L’empire perdu d’hydro-québec
Le Québec serait aujourd’hui un leader mondial de l’hydroélectricité si tous les actifs n’avaient pas été liquidés
Le Québec serait aujourd’hui à la tête d’un empire hydroélectrique extrêmement lucratif s’il n’avait pas tout liquidé au milieu des années 2000, commettant « la plus grande erreur économique et financière de l’histoire » de la province, croit l’ex-président d’hydro-québec International Michel Clair.
De 1998 à 2006, Hydro-québec International (HQI) a fait l’acquisition d’une panoplie d’actifs – lignes d’interconnexions, centrales hydroélectriques, réseaux nationaux d’électricité – dans une demi-douzaine de pays, la plupart en Amérique latine.
L’objectif était ambitieux : « former un corridor d’électricité québécois, une autoroute qui longerait toute la côte pacifique de l’amérique latine », du Chili au Costa Rica, en passant par le Pérou, la Colombie et le Panama, résume en entrevue au Journal Luc Thibault, lequel fut gestionnaire pour l’amérique latine D’HQI.
Cette filiale d’hydro-québec a vu le jour en 1978. Pendant 20 ans, elle a servi à exporter l’expertise québécoise vers des dizaines de pays d’asie, d’afrique et d’amérique du Sud grâce à des contrats de services techniques et de consultation.
Puis en 1998, Michel Clair est nommé par le PDG d’hydro André Caillé avec comme mission de transformer l’entreprise en géant international de l’électricité. On débloque 1,2 milliard $ à investir en cinq ans en dehors du Québec. En quelques années, le Québec devient un incontournable sur la scène internationale.
À l’époque, un mouvement général de privatisation des compagnies d’électricité traverse tout le continent sud-américain. « Plusieurs pays avaient connu des crises énergétiques majeures. On avait dû couper le courant à Bogota, à Santiago et à Buenos Aires. Un à un, les pays ont restructuré leurs secteurs et vendu des compagnies. Et nous, on achetait », résume M. Thibault.
L’une des recettes D’HQI : acquérir des actifs inefficaces, les optimiser et maximiser leur performance. « Ça rapportait gros », dit M. Clair.
VICTIME DE SON SUCCÈS
Mais la situation ne fait pas que des heureux. Alors que le prix de l’électricité augmente dans les chaumières québécoises, ces investissements étrangers font grincer des dents. On déplore qu’hydro ne fasse pas davantage appel à des fournisseurs québécois dans ses mégaprojets. Et la croissance rapide expose Hydro à des risques qu’elle contrôle mal.
« Le succès les inquiétait, dit M. Clair. Les décisions ultimes étaient prises par un C.A. formé d’une mairesse de Drummondville et d’un maire de l’abitibi, qui étaient là pour gérer une utilité provinciale, pas une multinationale de l’électricité. »
En 2005, la décision est prise : HQI videra complètement son portefeuille d’investissements internationaux afin de « redéployer » ces sommes au Québec, notamment en énergie éolienne… où elles n’ont pas généré les rendements escomptés. En tout, Hydro empoche 917 M$ en l’espace de 18 mois, dont un demi-million est versé au Fonds des générations.