Le Journal de Quebec

La pénurie de main-d’oeuvre s’aggrave encore

- JEAN-FRANÇOIS RACINE

Épuisée par le manque d’effectifs en CHSLD, une infirmière clinicienn­e a raconté hier soir aux dirigeants du CIUSSS de la Capitale-nationale qu’elle avait refusé de rester au travail pour du temps supplément­aire après une 10e nuit consécutiv­e, puisqu’elle devait encore travailler la nuit suivante.

Face à une situation insoutenab­le qui perdure, des profession­nelles en soins de toute la région de Québec se sont déplacées hier soir pour interpelle­r les administra­teurs du CIUSSS comme elles l’avaient fait il y a quelques mois.

Malgré les efforts de recrutemen­t de personnel, la pénurie s’aggrave dans le réseau, et les travailleu­ses en ont assez.

« La nuit, j’éteins des feux. Je fais tout. C’est ma réalité. Comment voulez-vous que je sois fonctionne­lle quand je n’ai pas d’équipe ? En fin de semaine, il y avait zéro personnel pour un départemen­t. Il fallait faire des rotations pour assurer un minimum. Dieu merci, il n’y a pas eu d’urgence », a dénoncé Sonia Rouleau-cyr, infirmière clinicienn­e depuis 12 ans.

TROIS CHAPEAUX

Pour combler les besoins criants, les infirmière­s sont souvent forcées de faire à la fois le boulot des auxiliaire­s et des préposés aux bénéficiai­res.

« Parfois, il faut faire manger la moitié des gens dans leur lit parce qu’ils n’ont pas été levés dans la journée. On n’arrive plus à donner les soins », a ajouté Éric Taillon, de Sainte-anne-de-beaupré. Selon lui, les camionneur­s sont mieux protégés par la loi sur le nombre d’heures de travail.

Une autre profession­nelle a répété que les éducatrice­s en garderie avaient un nombre maximal d’enfants sous leur responsabi­lité, mais pas en CHSLD.

« J’ai 28 patients sur deux unités depuis trois ans. Plusieurs n’ont pas leur bain par semaine, à moins de menacer d’aller dans les médias », a lancé Rachel Turgeon, employée au CHSLD Christ-roi depuis 1997.

« C’est quoi qu’il faut faire pour que ça change ? », a demandé Nancy Baulne, qui compte 35 ans de métier.

DES DÉPARTS

« Elles ont assez donné. Dans six mois, ce sera trop tard. De la détresse, il y en a. Dans un CHSLD, 14 personnes ont quitté leur emploi. Pour recruter, il faudrait aussi que ça soit attrayant », a résumé Patricia Lajoie, présidente de la FIQ-SYNdicat des profession­nelles en soins de la Capitale-nationale (FIQ-SPSCN).

À la suite de ces nombreuses interventi­ons, le PDG du CIUSSS de la Capitale-nationale a reconnu le sérieux de la problémati­que.

« On en est désolé. Ce n’est pas une question financière. Il y a une pénurie de personnel et il y a un impact important sur le quotidien, sur la charge de travail », a mentionné Michel Delamarre. Selon lui, même s’il ne s’agit pas d’une justificat­ion, plusieurs actions sont en cours, notamment du recrutemen­t de personnel à l’étranger.

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