L’urgence, mais pas pour tout le monde
L’urgence climatique est réelle. Elle est documentée par la science. Pour les gouvernements et les populations, est-ce toutefois une véritable urgence ? Malheureusement non. Un sondage pancanadien Léger/ Le Devoir publié hier confirme ce secret de Polichinelle.
L’indignation de la génération de Greta Thunberg indispose les puissants.
En pleine campagne électorale, 16 % seulement des répondants voient l’environnement comme le principal facteur décisionnel de leur vote, alors que 43 % choisissent l’économie. Comme si les deux étaient dissociés, alors qu’ils sont interdépendants.
Parce qu’il repose aussi entre les mains des jeunes et des prochaines générations, un certain espoir est néanmoins permis.
Aujourd’hui, les Québécois seront nombreux à prendre la rue contre les changements climatiques. Une grande marche défilera à Montréal.
Après avoir brassé la cage des leaders du monde au Sommet Action Climat de L’ONU, à New York, le porte-voix de la colère des jeunes, la Suédoise Greta Thunberg, y sera. Plusieurs politiciens, dont Justin Trudeau, y seront.
COMME PAR MAGIE ?
Or, les engagements de M. Trudeau – et ceux presque risibles du chef conservateur Andrew Scheer – témoignent d’un sentiment d’urgence bien relatif.
Depuis des années, les partis au pouvoir se bercent du même mantra : la croissance économique et l’environnement ne sont pas incompatibles. L’urgence climatique démontre pourtant que c’est loin d’être toujours le cas.
Pour les quatre prochaines années, M. Trudeau s’engage à peu, mais promet que d’ici 2050, le pays, comme par magie, sera devenu carboneutre. Pendant ce temps, un des pires pollueurs au pays – l’industrie albertaine du pétrole issu des sables bitumineux – poursuit sa quête de nouveaux pipelines pour exportation. Cherchez l’erreur.
Le bilan environnemental du Québec est l’un des moins mauvais au Canada, mais les contradictions continuent d’abonder. Quelques exemples parmi d’autres. Le projet de cimenterie Mcinnis s’annonce le plus polluant de l’histoire du Québec. Et que dire de l’impact environnemental incertain du troisième lien ?
INDIGNATION
Idem pour Montréal. Quelques exemples parmi d’autres. Un dossier récent du Journal détaillait l’état déplorable du système de recyclage. Lequel dure depuis des années.
Le projet d’une usine d’ozonation, devant servir à désinfecter enfin les eaux de Montréal de 99 % des médicaments et des virus qui y circulent encore – une urgence pour la santé publique –, traîne dans les cartons depuis déjà plus de dix ans.
Dans un tel contexte de laisser-faire généralisé bien au-delà de nos frontières, l’indignation de la génération de Greta Thunberg indispose les puissants, mais elle a de bonnes chances de finir par sensibiliser les populations. Seules des populations mieux informées se feront plus revendicatrices face aux décideurs politiques.
C’est bien beau d’interdire les pailles pour se draper dans le vert, mais ce n’est qu’un pas microscopique. N’importe où en Occident, il s’agit seulement d’entrer dans un magasin à 1 $ ou à bas prix pour se noyer dans une mer de plastique fabriqué par la richissime Chine. Combattre le plastique, vous dites ?
Le Canada n’est pas une île non plus. L’urgence climatique touche la planète. On part de loin, c’est certain. L’important est d’amorcer le mouvement et de le faire pour de bon.