300 ans d’histoire rayés de la carte
Il n’aura fallu que quelques minutes pour démolir la maison tricentenaire du boulevard Saint-jacques
La maison Pasquier n’est plus. La résidence tricentenaire du boulevard Saint-jacques est tombée sous le pic des démolisseurs au petit matin hier.
Les hauts cris des sociétés d’histoire et des défenseurs du patrimoine pour la sauvegarde de cette maison datant de l’époque de la Nouvelle-france n’auront finalement pas été entendus par la Ville de Québec, qui avait accordé un permis de démolition au propriétaire cet été.
La ministre de la Culture, Nathalie Roy, avait refusé d’intervenir, disant avoir les mains liées dans ce dossier.
Elle avait renvoyé la balle à la Ville de Québec qui, elle, estime que la valeur patrimoniale de la maison Pasquier n’était pas suffisamment élevée pour justifier sa préservation, n’ayant pas une cote « supérieure » ou « exceptionnelle » en raison des divers travaux ayant modifié la résidence d’origine au fil des ans.
GRANDE DÉCEPTION
Le président de la Société d’histoire de La Haute-saint-charles, Mario Lussier, déplore la disparition de cette maison du quartier Neufchâtel construite à la fin du 17e siècle, ayant appartenu à la même famille durant huit générations depuis 1698. Il réclame des changements législatifs pour éviter qu’un tel « désastre » ne se reproduise à l’avenir.
« Une fois qu’une maison comme celle-là est démolie, c’est terminé à tout jamais... Une maison comme celle-là fait partie d’un paysage qui construit notre identité collective et qui appartient aussi, ultimement, à tous les citoyens du Québec. Ce cas-là est particulier parce que c’est probablement la plus vieille maison au nord de Québec et une des plus vieilles dans la région de Québec, puis quand on dit ça, on dit au Québec puis au Canada aussi nécessairement », se désole M. Lussier.
PAS D’INTÉRÊT « NATIONAL » ?
Il se dit convaincu que la ministre Roy aurait pu intervenir, à tout le moins avec un moratoire de quelques semaines, le temps d’effectuer une véritable analyse sur la valeur patrimoniale de la résidence avant qu’elle ne soit taillée en pièces par une pelle mécanique.
« L’argument invoqué par la ministre, c’est que ce n’était pas une maison d’intérêt national. C’est un concept non défini dans la loi ni dans aucun règlement du ministère de la Culture. C’est quoi l’intérêt national ? Il faut qu’il y ait un premier ministre qui ait vécu dedans? Un patriote? Un maire de Québec ? Moi, je ne sais pas c’est quoi le critère d’intérêt national », peste M. Lussier, qui dit n’avoir reçu aucune réponse du cabinet de la ministre à sa lettre.
UN PLAN ANNONCÉ CET AUTOMNE
Au cabinet de Mme Roy, hier, on répétait essentiellement les mêmes lignes que celles de la semaine dernière, au sujet de la maison Pasquier. Toutefois, l’attachée de presse de la ministre a indiqué qu’une annonce aurait lieu cet automne afin « d’aider davantage les municipalités » dans la préservation du patrimoine bâti.
La Ville de Québec a réitéré, de son côté, qu’elle n’avait pas le choix d’auto-riser la démolition puisque la a maison ne jouissait d’« aucune prote ection patrimoniale ».
« Rappelons que les critère es utilisés pour l’évaluation patri- moniale sont : l’authenticité, l’ancienneté, la situation géographique, les éléments architecturaux et le lien avec un personnage célèbre ou historique. En conséquence, cette maison a perdu tous ses éléments extérieurs d’origine e au fil des ans : revêtement de toi-ture et de murs, portes et fenêtres, son ornementation et ses éléments en saillie », a indiqué le porte-parole de la Ville, David O’brien.
Personne n’a été en mesure de nous renseigner, hier, sur les projets de développement du propriétaire du terrain. La Ville de Québec n’a délivré aucun permis de construction sur ce lot et aucune transaction notariée n’a été observée récemment.
LA VILLE DE QUÉBEC CRITIQUÉE
« Sur la question de la maison Pasquier, de la maison Livernois, de l’église Saint-Coeur-de-marie, la Ville est absente du débat patrimonial », a déploré le conseiller de Démocratie Québec Jean Rousseau, hier.
« La Ville de Québec a toute l’expertise pour juger de ce qui est patrimonial. Par contre, elle ne veut pas assumer un rôle de leader en ce qui concerne la préservation et la réutilisation de ces bâtiments. » — Avec la collaboration
de Stéphanie Martin