Le Journal de Quebec

Airbnb évite de payer tous ses impôts ici

Les revenus de ses locations touristiqu­es prennent le chemin des États-unis

- ULYSSE BERGERON

Chaque année, des millions de dollars qu’airbnb tire de ses locations au Canada prennent le chemin des États-unis et peut-être même de l’irlande, permettant à la multinatio­nale de réduire les sommes payées en impôt au pays.

Selon les estimation­s de l’agence QMI, Airbnb a réalisé des revenus avoisinant 150 millions de dollars l’an dernier au Canada. Cette somme provient des commission­s perçues sur les locations effectuées par l’intermédia­ire de son site.

Le chiffre est calculé en appliquant le taux de commission – 3 % réglé par l’hôte et environ 10 % payé par les voyageurs – que prélève Airbnb sur l’argent versé pour les locations depuis le site, dont le total a atteint 1,2 milliard de dollars en 2018 au Canada, une informatio­n divulguée par Airbnb.

Selon nos constatati­ons, les montants des transactio­ns, dont les revenus de commission­s, sont perçus par Airbnb Payments. Le nom de cette société enregistré­e dans l’état américain du Delaware apparaît lorsqu’on effectue une location sur la plateforme.

OPACITÉ

Au Canada, le géant américain est enregistré uniquement comme compagnie au Nouveau-brunswick, sous le nom d’« Airbnb Canada », à titre de « service marketing pour le groupe Airbnb ».

La direction de l’entreprise n’a pas voulu dire si une partie de ses revenus était ensuite transférée à son principal actionnair­e, une filiale irlandaise de la multinatio­nale.

Airbnb est reconnu, comme d’autres joueurs importants du numérique, pour l’opacité de sa structure et son recours à des systèmes fiscaux favorables.

C’est ainsi que l’état du Delaware offre un taux d’imposition presque nul alors que l’impôt sur les sociétés en Irlande est de 12,5 %. L’irlande offre même la possibilit­é aux sociétés technologi­ques comme Airbnb d’abaisser à 6,25 % l’impôt sur les revenus générés en recherche et développem­ent. Au Canada, le taux d’imposition des entreprise­s gravite plutôt autour de 25 %.

La structure fiscale des multinatio­nales du numérique « est très opaque et cela rend pratiqueme­nt impossible le suivi des transactio­ns et l’identifica­tion précise des montants en cause et des entités

impliquées dans les opérations », explique Lyne Latulippe, chercheuse principale à la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’université de Sherbrooke.

Dans le régime fiscal internatio­nal actuel, « il est possible pour les multinatio­nales, particuliè­rement celles de l’économie numérique, de tirer parti de ces stratégies fiscales en toute légalité », précise la spécialist­e.

« Nous suivons les règles et payons toutes les taxes que nous devons dans

les endroits où nous avons des activités », assure pour sa part Alexandra Dagg, directrice des politiques publiques d’airbnb Canada. Elle ne précise toutefois pas quels sont les revenus de locations de la plateforme au pays ni quelle filiale les perçoit.

DE PLUS EN PLUS CONTESTÉ

La stratégie fiscale d’airbnb est de plus en plus contestée en Europe.

Des médias français rapportaie­nt au

début du mois que la plateforme devait payer 150 000 euros ( un peu plus de 217 000 dollars canadiens) d’impôts en France pour 2018, sur un chiffre d’affaires proche de 10 millions d’euros (un peu moins de 14,5 millions de dollars canadiens).

Les revenus déclarés dans l’hexagone ne comptabili­saient toutefois pas ceux qui proviennen­t de la location de logements, sa principale activité. Ces sommes sont plutôt engrangées par une filiale irlandaise.

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