Une vraie bataille au Lac-saint-jean
L’image de Richard Hébert est savoureuse : « Le bleuet, lorsqu’il pousse, change de couleur : il commence rouge, devient rose, rouge, vert, il prend toutes sortes de couleurs ! »
M. Hébert est député libéral et candidat de Lac-saint-jean.
C’est lui qui a fait « rougir » (au sens libéral du terme !) la circonscription pour la première fois depuis 37 ans, lors d’une élection partielle en 2017.
Bon, les frontières de la circonscription ont changé. Mais retenons que, dans les dernières décennies, elle se contentait de différentes teintes de bleus : conservateur, bloquiste et conservateur de nouveau.
MULTICOLORE
L’aspect multicolore, c’est le propre de la région – qui compte trois comtés – actuellement. Rouge au Lac-saint-jean, orange à Jonquière et les bleus conservateurs se sont installés, lors d’une partielle eux aussi, dans Chicoutimi.
Dans Lac-saint-jean, la couleur, au 21 octobre, est extrêmement difficile à prédire. « On va se coucher tard », m’a confié Alexis Brunelle-duceppe, candidat du Bloc et fils de vous-savez-qui.
Quelques pancartes près de Péribonka. Difficile de prédire quelle couleur politique prendra ce comté le 21 octobre.
LES RACINES
Ancien maire de Dolbeau-mistassini, Hébert a obtenu son siège lors d’une partielle. Il est conscient qu’une générale attire plus d’électeurs et que la donne peut changer.
Au Marché Wallberg, dans le centre de Dolbeau-mistassini, une délicieuse odeur de boulangerie flotte. M. Hébert raconte avec verve ses « racines très profondes » dans le comté. Son aïeul Ulrich Hébert a personnellement connu l’écrivain Louis Hémon, auteur de Maria Chapdelaine ! Puis il s’arrête, mal à l’aise.
C’est que, la semaine dernière, il a piqué une colère après avoir été questionné sur le caractère parachuté de certains autres candidats libéraux dans la région (Dajana Dautovic dans Chicoutimi).
Il s’en était pris à son adversaire : « Est-ce que M. Alexis [Brunelle-duceppe] est venu au monde ici ? Alors, quand on parle de parachute, y en a d’autres aussi qui ont des parachutes. »
M. Hébert a regretté ses propos et offert ses excuses à son adversaire.
Au restaurant Roberto à Alma, M. Brunelle-duceppe raconte, devant une salade au jambon, avoir accepté l’acte de contrition du libéral. Il décrit M. Hébert comme un homme « gentil ».
Mais le bloquiste tient à rappeler qu’il vit depuis bientôt deux ans à Alma. Ancien preneur de son sur les plateaux de cinéma et de télé montréalais, il a décidé de s’installer en région avec son épouse – elle née « ici » – et ses trois enfants. Il est ouvrier chez Produits Forestiers Résolu.
À ses yeux, le nationalisme est en renaissance au Québec et pourrait faire la différence dans Lac-saintJean. L’élection de la CAQ à Québec l’a bien prouvé.
Richard Hébert, lui, n’en est pas sûr. Son élection, il y a deux ans, a montré que la « ferveur » était à peu près disparue, dit-il.
LEGAULT ET DUPLESSIS
Lui-même n’hésite pas d’ailleurs à rejeter la demande du gouvernement Legault d’une déclaration de revenus unique, gérée par le Québec.
Demande défendue par le bloquiste Brunelle-duceppe, mais aussi par le conservateur Jocelyn Fradette. La néo-démocrate de Jonquière Karine Trudel se bat contre cette idée, estimant que le centre fiscal, situé dans son comté, en pâtirait.
Quant à M. Hébert, il va plus loin que son parti, qui prône le statu quo fiscal. À ses yeux, les Québécois ne devraient faire une déclaration de revenus… qu’au fédéral. « Par la suite, Ottawa redistribue. »
C’est Duplessis qui a instauré le « rapport d’impôt » québécois, rappellet-il. D’ailleurs, le premier ministre caquiste lui rappelle le célèbre unioniste.
Legault, explique-t-il, n’est « pas foncièrement séparatiste », mais « veut profiter de la fédération ».
Bref, « la façon dont il s’affirme, dont il mène sa politique, ça me fait penser à ce que j’ai lu de Duplessis ».