L’UPAC cafouille et Zampino est libéré
Une bavure de L’UPAC a permis à l’ex-numéro 2 de la Ville de Montréal d’être libéré de toute accusation, hier, donnant d’autres munitions au gouvernement pour réformer la police.
L’arrêt des procédures décrété contre Frank Zampino parce qu’il a été la cible d’écoute électronique illégale n’a rien pour refroidir les intentions de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, qui veut moderniser la police, dont les ratés ont fait la manchette depuis quelques années au Québec.
En entrevue avec notre Bureau d’enquête il y a une semaine, la ministre déplorait que certaines enquêtes « ne connaissent pas le dénouement auquel on se serait attendus » et espérait que la formation soit améliorée à l’unité permanente anticorruption (UPAC).
Le projet Fronde de L’UPAC, qui a nécessité six ans d’enquête sur un présumé stratagème de contrats truqués à la Ville de Montréal en retour de financement politique, risque de s’écrouler à la suite du coup de massue judiciaire d’hier.
DISCUSSIONS CLIENT-AVOCAT
La juge Joëlle Roy a conclu que L’UPAC avait commis des violations « nombreuses et graves » aux droits constitutionnels de Frank Zampino en épiant de façon « calculée » 39 communications qu’il a eues avec son avocate, Me Isabel Schurman, entre juin et août 2015.
À l’époque, l’ex-président du comité exécutif de Montréal était « en pleine préparation de son procès » dans le dossier Faubourg Contrecoeur, qui s’était soldé par un cuisant échec pour L’UPAC avec des acquittements sur toute la ligne en 2018.
Les discussions entre l’avocate et son client auraient dû rester confidentielles en vertu du secret professionnel, a tranché la juge.
Le Tribunal a aussi déploré que les demandes d’écoute électronique « viciée » de L’UPAC aient été autorisées par un autre juge, en toute connaissance de cause.
Ce juge avait prévu des « modalités pour préserver le privilège client-avocat » en filtrant lui-même, parmi les conversations interceptées, lesquelles pourraient être admises en preuve.
« Le privilège avocat-client ne se fragmente pas au cas par cas », a décrié la juge Roy en invalidant les mandats émis par son collègue.
CINQ COACCUSÉS
Toute l’enquête risque maintenant de tomber à l’eau puisque les cinq coaccusés de M. Zampino, dont le procès pour fraude devait débuter hier, pourraient eux aussi présenter des requêtes en arrêt de procédures sous les mêmes motifs.
Pas moins de 624 conversations sur les 57 000 interceptées lors du projet Fronde impliquent des coaccusés de M. Zampino et leurs avocats. Leur cause a été ajournée à lundi prochain.
« C’est un jugement critique à l’égard de la façon de procéder dans cette enquête et il faudra prendre le temps de l’analyser », a réagi Me Julien Tardif, l’un des procureurs de la poursuite, en ajoutant que « toutes les possibilités » sont sur la table pour la suite du dossier.
« Nous sommes très heureux de cette décision qui est juste pour M. Zampino, mais aussi pour tous les Canadiens », s’est réjouie Me Schurman, tandis que Frank Zampino préférait garder le silence devant les journalistes.