Le Journal de Quebec

Toute une volte-face de Justin Trudeau

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

La semaine dernière, Stéphane Cardin, l’homme de Netflix au Canada, annonçait triomphale­ment que l’entreprise avait en moins de trois ans dépensé les 500 millions qu’elle avait promis sur cinq ans.

Cet homme, fine mouche s’il en est, avait-il senti le vent tourner à Ottawa et tenté de prévenir les coups ? Dimanche, dans une volte-face spectacula­ire, le premier ministre Justin Trudeau a promis, s’il est réélu, de taxer enfin les géants du net.

Pauvre Mélanie Joly, dont on a failli ruiner la carrière politique en la forçant durant des mois à défendre l’indéfendab­le, c’est-à-dire le passe-droit fiscal accordé à Netflix et ses semblables, d’abord par Stephen Harper, puis endossé par Trudeau lui-même !

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine, avait vendu la mèche en juin lorsqu’il avait déclaré que les géants du net devaient contribuer à notre système de radiodiffu­sion puisqu’ils en profitaien­t. Netflix, par exemple, a récupéré les droits mondiaux de la série Anne With an E en investissa­nt dans une production, défrayée en bonne partie par Radio-canada, le Fonds des médias et les crédits d’impôt.

ON N’ATTEND PLUS L’OCDE

Ottawa avait toujours déclaré qu’il attendrait l’accord de L’OCDE (l’organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique) avant de taxer les géants du net. Le ministre des Finances Bill Morneau avait même snobé l’idée d’imiter la France. L’assemblée nationale française venait d’accepter de taxer à hauteur de 3 % les revenus des géants du net en France jusqu’à ce que L’OCDE en vienne à un accord.

La taxe de 3 % s’applique sur les revenus réalisés en France sur la publicité en ligne, la vente des données à des fins publicitai­res ainsi que sur la mise en relation des internaute­s au moyen des plateforme­s.

C’est un « copié-collé » de la loi française qui serait imposé par l’agence du revenu du Canada le 1er avril prochain si les libéraux sont réélus… Au lieu d’être une promesse, pourquoi n’a-t-on pas donné la directive à L’ARC avant la dissolutio­n du Parlement ? Les géants du net devront aussi percevoir la TPS, ce à quoi on aurait dû les obliger il y a huit ou dix ans.

La promesse de Trudeau va plus loin. Il promet une loi qui « forcera les géants du net à offrir plus de contenu canadien dans leur répertoire, à contribuer à la création de contenu canadien dans les deux langues officielle­s, à en faire la promotion et à le rendre facilement accessible sur leurs plateforme­s ».

UNE PROMESSE IMPROVISÉE

En d’autres termes, Netflix et ses semblables seraient soumis aux mêmes contrainte­s que nos diffuseurs. Plus sévères encore, puisque ces derniers n’ont aucune obligation de produire dans les deux langues, sauf Radio-canada. Rien ne les oblige non plus à faire la promotion de leur contenu s’ils ne le souhaitent pas.

Voilà une promesse qui sera difficile à réaliser, copiée en partie sur la France où les lois sur l’audiovisue­l et le droit d’auteur ont peu à voir avec les nôtres. Comment cette promesse pourra-t-elle s’accorder avec le rapport du groupe d’experts qui doit être dévoilé seulement en janvier prochain ?

Si le gouverneme­nt Trudeau est réélu, souhaitons que l’actuel ministre du Patrimoine reste en fonction afin de mettre de l’ordre dans tout ce galimatias.

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