Bloc : un vote « perdu », vraiment ?
La montée du Bloc redonne vie au sempiternel argument du vote « utile » ou « stratégique ».
Hier, Alain Rayes, patron du Parti conservateur au Québec, disait qu’un vote pour le Bloc est un vote gaspillé puisque seuls les conservateurs ont une chance de déloger les libéraux.
À première vue, ça semble logique, non ?
Pourquoi, dit Rayes, voter pour des gens qui ne peuvent gouverner ? Il faudrait, quitte à se pincer le nez, voter pour les conservateurs, seuls en mesure de « débarquer » le beau Justin.
En langage clair, le vote « stratégique » revient à voter pour un connard s’il est du parti qui a une chance de gagner, plutôt que d’appuyer le candidat qui reflète le plus vos valeurs.
FAUX
Ce raisonnement pose plusieurs problèmes.
D’abord, notre système ne donne pas le pouvoir au parti avec le plus de voix, mais à celui avec le plus de sièges.
Nous ne choisissons pas, comme en France, un président au moyen d’un suffrage universel qui fait de tout le pays une seule et unique circonscription.
Vous êtes obligé de choisir parmi les candidats dans votre circonscription.
Pour que votre vote « stratégique » se justifie un peu, il faudrait que la course soit très serrée entre les deux premiers dans VOTRE circonscription, et que le candidat de votre coeur, celui pour qui vous voudriez vraiment voter, n’ait aucune chance.
Très peu de circonscriptions sont dans cette situation.
L’an dernier, on pouvait voter CAQ pour « débarquer » Couillard parce que la CAQ était déjà la mieux placée, loin devant le PQ, pour battre les candidats libéraux dans tout le Québec francophone.
Nous sommes dans une situation totalement différente.
Ensuite, le vote stratégique, c’est dire au fond : je n’appuie pas les orientations d’un parti, mais je lui donne quand même mon appui.
Vous savez quoi ? Le parti pour lequel vous aurez voté se fout de votre calcul.
Il dira que votre vote est un endossement de son programme… et il aura raison.
Vous ne pourrez pas dire : euh, wôô, un instant, M. Scheer, moi, je suis contre un oléoduc, pour le libre choix en matière d’avortement et pour la laïcité.
Vous aurez voté pour lui et vous ne pourrez pas obtenir un remboursement en montrant votre facture.
JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecormedia.com S’il fallait forcément voter pour celui qui va gagner ou pour celui qui a le plus de chances de battre le gouvernement, gardons deux partis et abolissons tous les autres.
MESSAGE
Poussons le raisonnement jusqu’au bout : s’il fallait toujours voter pour celui qui va gagner ou pour celui qui a le plus de chances de battre le gouvernement, abolissons tout de suite tous les petits partis.
D’un côté, on nous dit que la démocratie est une valeur précieuse et qu’il faut donc aller voter par principe, et de l’autre côté, on nous dit d’oublier nos principes et de voter pour un con fini s’il est bien placé.
En fait, j’y pense, oui, il y aurait une dimension très calculée dans un vote pour le Bloc, seul parti à défendre notre laïcité.
On enverrait au Canada un beau gros message : chez nous, on décore la maison comme on veut.
Est-ce clair ?