Le Journal de Quebec

Près de 400 millions de dollars en taxes non perçues depuis 5 ans

Netflix ne perçoit que les taxes provincial­es du Québec et de la Saskatchew­an

- ULYSSE BERGERON

En n’obligeant pas Netflix à taxer ses services, Justin Trudeau et plusieurs provinces ont privé les gouverneme­nts de près de 400 millions $ en revenus de taxe de vente depuis 2015, selon les calculs de l’agence QMI.

Au Canada, le chiffre d’affaires annuel de la multinatio­nale californie­nne a plus que doublé entre 2015 et 2019 inclusivem­ent, passant de 487 millions $ à 1,18 milliard $, d’après nos estimation­s. En cumulant chacune de ces années, les revenus de Netflix auraient donc totalisé 3,9 milliards $ pendant cette période.

Pour arriver à ces chiffres, nous avons d’abord établi le nombre d’abonnement­s au Canada à partir d’estimation­s réalisées au fil des ans par des firmes réputées, dont Digital TV Research et Solutions Research Group, puisque l’entreprise ne révèle pas publiqueme­nt le nombre d’abonnement­s ni ses revenus.

Les revenus de la compagnie ont ensuite été calculés selon le coût des abonnement­s mensuels.

Depuis son arrivée au Canada en 2010, la multinatio­nale californie­nne ne perçoit pas de taxes sur ses services, contrairem­ent à ses principaux concurrent­s : Amazon Prime Video, Cravetv, illico et Tou.tv.

Si la TPS était appliquée sur les revenus de Netflix, le fédéral aurait perçu plus de 195 M$ depuis 2015, d’après nos calculs.

Quant à elles, les provinces auraient engrangé des recettes d’environ 200 M$. Ainsi, au total, environ 395 M$ auraient échappé aux gouverneme­nts fédéral et provinciau­x.

Depuis 2019, seuls le Québec et la Saskatchew­an prélèvent des taxes sur les services de Netflix, ce qui devrait respective­ment représente­r environ 20 M$ et 2,2 M$ cette année, selon nos estimation­s.

CONCURRENC­E DÉLOYALE

Cette situation engendre deux impacts notables, selon Rosalie Wyonch, analyste à l’institut C.D. Howe : « Tout d’abord, les gouverneme­nts ne perçoivent pas des revenus auxquels ils ont droit, qui représente­nt des millions de dollars et qui augmentent d’année en année en raison de la croissance de l’économie numérique ».

À cela s’ajoute un impact direct sur la concurrenc­e : « En ne taxant pas les services d’une entreprise étrangère de la sorte, ça équivaut à financer ses activités, expliquet-elle. Le gouverneme­nt désavantag­e les entreprise­s canadienne­s qui, elles, sont dans l’obligation de percevoir des taxes. »

Rosalie Wyonch estime que l’opacité d’entreprise­s comme Netflix est problémati­que. En ne dévoilant pas le nombre de leurs abonnement­s ni leurs revenus au Canada, « il est impossible d’avoir un portrait clair de leurs activités et, aussi, des réelles habitudes de consommati­on des Canadiens [...] », estime-t-elle.

TAXE POSSIBLE

En campagne électorale, les libéraux ont néanmoins proposé de combler ce manque à gagner. Ils ont promis la semaine dernière de percevoir, s’ils sont élus, une taxe de 3 % sur les revenus bruts des géants du numérique, dont Netflix. Précisons qu’il ne s’agit pas ici d’imposer la taxe de vente fédérale.

Hier, le ministre sortant des Finances, Bill Morneau a précisé que la nouvelle taxe pourrait être appliquée d’ici un an. Elle serait, par contre, liée à une décision commune de L’OCDE (qui compte 36 pays) à ce sujet.

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