Le Journal de Quebec

L’obsession du Bonjour-hi

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Disons-le en bon québécois. L’usage du Bonjour-hi dans les commerces, c’est vraiment gossant. Tellement qu’il s’est vu menacé d’une interventi­on législativ­e pour l’interdire. Le ministre Simon Jolin-barrette, responsabl­e entre autres de la langue française, disait y songer. Quelques jours plus tard, il changeait fort heureuseme­nt d’idée. Impossible de légiférer contre les paillasson­s.

Mais d’où nous vient cette obsession pour le Bonjour-hi ? À mon humble avis, elle nous sert surtout de hochet collectif. Elle nous distrait du vrai problème : l’affaibliss­ement du français comme langue nationale. Cette langue, on nous l’avait pourtant promise rassembleu­se bien au-delà de nos diverses origines.

Or, quand un simple mot comme « Bonjour » ne peut plus exister seul sans un chaperon dénommé « Hi », il y a péril en la demeure. Le nez bien enfoncé dans leur déni, certains s’en amusent de quelques pointes d’ironie. Tant qu’à y être, rigolent-ils, pourquoi ne pas légiférer contre tout ce qui nous agace ?

NE SERVIR À RIEN

D’autres parlemente­nt avec les commerçant­s. D’autres quittent les commerces fautifs. D’autres refusent de s’en offusquer. Les plus téméraires, eux, osent demander la lune. Soit qu’après 25 ans d’inaction, la loi 101 soit enfin renforcée. Incluant dans les milieux de travail.

Les téméraires comprennen­t l’essentiel. Sans une volonté politique concrète portée par des lois publiques efficaces, les initiative­s individuel­les ne servent à rien.

Parce que le Bonjour-hi n’est qu’un symptôme et rien d’autre. Chercher à l’interdire ou boycotter un commerce, c’est comme se prendre une pastille de miel pour combattre une pneumonie.

Le Bonjour-hi, c’est le voyant rouge dont le rappel est brutal. Il nous dit ceci : majoritair­e au Québec, le français est de plus en plus minoritair­e au pays. Son poids démographi­que et politique régresse sans cesse. Même à Montréal, il perd des plumes.

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De fait, on ne demande jamais aux vraies majorités de parler « en bilingue » comme on le fait au Québec, y compris pour des jobines au salaire minimum. Parler « en bilingue », c’est ce qu’on exige des minorités. Au Canada anglais, où moins de 10 % à peine des anglophone­s connaissen­t le français, on ne dit pas Hi-bonjour. On dit Hi, tout court.

Le véritable rapport de forces d’une langue face à une autre ne dépend pas non plus de sa maîtrise parfaite. Il repose avant tout sur son pouvoir politique, législatif et économique.

En d’autres termes, même si chaque francophon­e, de souche ou pas, récitait du Balzac tous les matins, du moment où le Québec n’est qu’une province dénuée de toute reconnaiss­ance constituti­onnelle particuliè­re, la force d’attraction de sa langue est celle, sans plus, d’une grosse minorité.

Le Bonjour-hi, c’est un canari parmi d’autres dans la mine. Chaperonné, le français n’est plus une langue de culture. C’est un outil parmi d’autres pour fonctionne­r. À ce compte-là, chez les jeunes francophon­es et non francophon­es, le glissement de l’indifféren­ce au mépris pourrait être plus rapide qu’on ne le pense.

Alors, que faire ? La réponse repose maintenant entre les mains du gouverneme­nt Legault.

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Le Bonjour-hi n’est qu’un symptôme. Chercher à l’interdire, c’est comme prendre une pastille pour combattre une pneumonie.

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