Le lieutenant bleu contre le Bloc
Lundi, je devais aller faire une entrevue-jogging avec Alain Rayes à Victoriaville, mais il pleuvait tellement qu’on a abouti au Tim Hortons.
Au Tim, avec un politicien, tôt le matin, il y a souvent de beaux malaises.
Comme ces trois tables où on m’a répété ceci : le chef conservateur Andrew Scheer ne « passe » vraiment pas dans la circonscription, voire au Québec.
« Je vais voter contre mes principes pour appuyer Alain », lance un des clients à une table.
L’électeur ajoute : « Alain, il ne restera pas là, il va aller à la tête », dit-il parlant de la chefferie du Parti conservateur.
Rayes, lieutenant de Scheer au Québec, entend les propos, fronce les sourcils, me lance, mi-blagueur : « Je veux pas que tu écrives ça ! Je n’ai aucun intérêt pour ça ! Ma femme m’arracherait la tête en plus. »
En moins d’une heure, à d’autres tables, deux autres clients défendront la même idée. « Arrêtez ! C’est pas mon ambition du tout », martèlera Rayes, alors irrité.
TRAITEMENT DE FAVEUR
C’était avant le second débat ; avant le sondage Léger d’hier aussi, lequel indiquait une forte remontée du Bloc.
La veille, dimanche, Rayes sentait déjà le besoin de faire une sortie pour contrer le parti d’yves-françois Blanchet, qui a selon lui un traitement de faveur de la part des médias.
Je lui soumets qu’en début de campagne, le Bloc ne semblait pas tellement compter dans le discours conservateur.
Faux ! rétorque-t-il vigoureusement. « Depuis le jour 1, à part dans certaines régions, on le dit : le Bloc est notre adversaire principal. »
Il se dit heureux qu’enfin les médias commencent à poser de sérieuses questions au Bloc : à propos de certains candidats qui partagent des publications de La Meute sur Facebook ; d’autres qui s’affichent comme pro-vie.
STRATÉGIE LOCALE
Rayes estime que les sondages occultent l’importance du choix des candidats conservateurs, souvent des vedettes locales très connues dans leur milieu.
C’est l’essence même du plan Rayes pour conquérir le Québec, qui « va déjouer une partie des sondages dans bien des endroits », prédit-il.
Candidat adéquiste en 2003, il estime que de voter conservateur en 2019, c’est opter pour un « beau risque 2.0 » (inspiré de la formule de Lévesque en appui à Mulroney en 1984), où seraient réalisées les revendications du Québec de l’ère Legault : déclaration de revenus unique, pouvoirs en immigration, pas de contestation de la loi 21 sur la laïcité.
À ceux qui ont voté pour la CAQ parce qu’ils voulaient cette loi-là, il dit : « La seule façon de la protéger, qu’il n’y ait aucune contestation, c’est […] la plus grande délégation possible de députés conservateurs dans un gouvernement conservateur. »
Je lui dis que tant qu’à y être, pourquoi ne pas aller plus loin : s’engager à joindre le Procureur général du Québec, qui défendra sa loi face aux contestations de citoyens ?
« On ne s’ingérerait pas d’une façon ou d’une autre », répond-il après un moment de réflexion… et un autre petit malaise.