Des nounous exploitées au Québec
La journaliste Brigite Noël révèle une forme d’esclavage dans un documentaire présenté sur Club illico
Parce qu’elle a couvert plusieurs histoires impliquant des travailleurs immigrants, la journaliste Brigitte Noël s’est penchée sur l’univers des travailleuses domestiques, qui rime souvent avec exploitation...
Grâce au Bureau d’enquête de Québecor, Brigitte Noël et le réalisateur-vidéaste Matt Joyce ont pu concocter Piégées : l’esclavage moderne des nounous étrangères au Québec, un grand reportage de 30 minutes, bouleversant, sur Club illico.
« Ç’a été extrêmement difficile parce que ces femmes ont tout à perdre, avoue la journaliste. Si elles dénoncent leur employeur, elles perdent leur visa, leur droit de rester ici et sont expulsées… Ç’a pris des mois à gagner la confiance de certaines personnes. On est passés par les avocats qui les représentent, c’était beaucoup de “meetings” dans des cafés, avec des femmes très, très nerveuses. »
Avec cette enquête, Brigitte Noël et son complice révèlent « les manigances des agences de recrutement » qui permettent l’embauche de travailleuses étrangères prenant soin d’enfants, mais aussi d’aînés.
CLANDESTINITÉ
Si certaines sont accréditées, d’autres sont clandestines. Elles ne se retrouvent pas sur Facebook, et sont un peu des « prédateurs », dérobant les économies des femmes et encourageant leur exploitation, une forme d’« esclavage moderne ». C’est ainsi que les agences dictent le ton.
« Y’a des limites à ce qu’une personne peut faire dans une journée, mais ce qu’on a vu sur certains sites d’agences, c’est que tu peux dresser toute une liste de tâches que tu peux lui demander de faire, comme nettoyer ton barbecue, polir ton argenterie, promener tes animaux, faire ton ménage… Il y a des gens qui utilisent ces femmes pour beaucoup plus que le soin des enfants, et c’est un peu de l’exploitation. »
DES ZONES GRISES
« Ce qui nous a choqués le plus, c’est que cette dette qui les garde ici, le fait qu’elles ont payé beaucoup d’argent pour venir au Canada, pour prendre cette chance-là en espérant que ça leur donne un meilleur avenir, elle appartient souvent à une agence de placement », déplore Brigitte Noël.
Pour les besoins de ce grand reportage, cette dernière a contacté des agences de placement et s’est présentée comme une mère de famille souhaitant embaucher une nounou.
« On nous a donné des conseils pour contourner la loi, les façons pour ne pas avoir à payer les heures supplémentaires de notre travailleuse domestique, comment s’assurer que c’est elle qui paye son billet d’avion et pas nous quand la loi stipule que c’est l’employeur qui doit couvrir les dépenses. On parlait des travailleuses comme si elles étaient un peu de la marchandise. »
Avec Piégées : l’esclavage moderne des nounous étrangères au Québec, Brigitte Noël espère, entre autres, « augmenter la sensibilité des gens par rapport à ces travailleuses qui font un travail important. »