Le Journal de Quebec

LES MOTS DITS DU SAMEDI

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TROP D’ÉMOTIONS

« Après avoir vu Dr. Machin à la clinique, Louis s’est montré émotionnel ». Petite phrase. Trois fautes. Lesquelles ? 1– C’est connu, l’anglais ne tolère pas d’article devant le terme doctor. Mais le français exige le ou la ou les devant le mot docteur (docteure). Oublier cette petite règle crée une forme d’anglicisme (première faute). Et, deuxième faute, on ne met pas un point à la fin d’une abréviatio­n qui comporte la dernière lettre du mot abrégé. On écrira donc « le Dr Jivago » ou « la Dre No ». Enfin, pour le même prix, j’ajoute que quand on fait précéder le nom d’un médecin de l’abréviatio­n « Dr » (Dre), on ne doit pas faire suivre le nom du médecin de l’abréviatio­n M.D. (tirée du latin

medicinae doctor signifiant docteur en médecine). On écrira le Dr Machin Truc ou Machin Truc, M.D., mais jamais le Dr Machin Truc, M.D. Et, esprits éveillés, vous aurez remarqué que le point abréviatif suivant la lettre D (dans M.D.) se confond avec le point final de la phrase. 2– Pauvre Louis, il s’est montré ému, adjectif signifiant « qui manifeste de l’émotion », « qui est bouleversé ». Ému et pas émotionnel, terme qui qualifie une chose – un choc émotionnel, par exemple –, mais jamais un individu. C’est la troisième faute. Bien sûr, Louis peut aussi se dire émotif dans la vie de tous les jours. L’adjectif émotif signifie « très sensible », « qui s’émeut facilement »... Quant au verbe émotionner (oui, oui, il existe), il prétend remplacer le verbe émouvoir. Que d’émotions !

MAUVAISE ADRESSE

Un lecteur, A. Mainguy, remarque que le verbe adresser est trop souvent employé dans le sens de « parler à quelqu’un ». « C’est un anglicisme, non ? » Oui. C’est un « faux ami », un « vrai faux ami ». Un « faux ami », ou anglicisme sémantique, est un terme d’une langue étrangère ressemblan­t graphiquem­ent ou phonétique­ment à un mot de sa propre langue, mais n’en possédant pas le même sens. Au Canada francophon­e, un « faux ami » est donc un mot français auquel on donne à tort le sens d’un mot anglais qui lui ressemble. Ex. : adresser un problème ( to address a

problem) au lieu d’aborder un problème, de s’occuper d’un problème ; adresser quelqu’un ( to address

someone) au lieu de s’adresser à quelqu’un. « Cette faute de langage est-elle maintenant acceptée » ? se demandait récemment, tout en connaissan­t assurément la réponse, une lectrice, Rolande C. Non, elle n’est pas acceptée. On peut adresser une lettre ou adresser la parole à quelqu’un, mais on ne peut pas adresser quelqu’un, ni adresser un problème, ni adresser un problème à quelqu’un. On peut cependant adresser quelqu’un à quelqu’un : l’infirmière praticienn­e adresse un patient à un spécialist­e. Comme nous l’avons écrit il y a quelque temps en réponse à une question de A. Dawson, adresser signifie principale­ment faire parvenir (une lettre, un colis, etc.) ; dire quelque chose à quelqu’un. Ex. : Adressez ce colis à votre père, mais ne lui adressez aucun reproche.

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