Une coalition qui inspire la méfiance
ANTOINE ROBITAILLE
Justin Trudeau, et encore moins Yves-françois Blanchet, ne veulent montrer quelque ouverture que ce soit pour l’idée d’un gouvernement de coalition.
On comprend qu’en élection, un chef de parti qui aspire au pouvoir comme Trudeau refuse ne serait-ce que d’envisager d’être minoritaire.
Ce serait une forme d’abdication. En politique, de nombreuses déclarations sont « performatives », c’est-à-dire qu’elles contribuent à créer ce qu’elles énoncent. Par exemple, un ministre des Finances qui admettrait qu’une récession se prépare risque d’en accélérer l’avènement du simple fait d’en parler.
De même, un chef de parti qui accepte d’envisager une coalition favorise l’éclatement de son vote.
Voilà entre autres comment on peut expliquer le recul de Jagmeet Singh sur cette question. En fin de semaine, il s’est d’abord montré ouvert à envisager une coalition avec le PLC afin d’éviter que les conservateurs prennent le pouvoir.
Mais hier, il multipliait les nuances, voire il reculait.
IDÉE ATTIRANTE
De prime abord, ne serait-ce pas rafraîchissant, un gouvernement de coalition ?
La partisanerie étant une des choses que les citoyens détestent le plus en politique, ceux-ci verraient sans doute, dans un exécutif multipartisan, une sorte d’équipe d’étoiles formée de gens s’étant unis pour le bien commun.
Le Parti vert propose d’ailleurs un « cabinet de guerre » multipartisan afin de faire face aux changements climatiques.
PEU PRATIQUÉ
En pratique, c’est plus complexe. Les conservateurs et lib-dem britanniques l’ont essayé il y a près d’une décennie, et ce fut dommageable pour les derniers.
Dans l’histoire de notre Dominion, c’est d’une rareté absolue.
Il y a eu des gouvernements de ce type avant la Confédération. Puis, il faut attendre 1917 avant que Robert Borden, aux prises avec une opposition féroce à la conscription, forme un « gouvernement d’union » en invitant des libéraux et des indépendants à se joindre à son cabinet.
Plus proche de nous, il y eut une tentative de coalition en 2008, où les libéraux de Stéphane Dion et les néo-démocrates de Jack Layton souhaitèrent proposer au gouverneur général de former un gouvernement commun ayant l’appui… du Bloc québécois.
Stephen Harper, qui venait de remporter une pluralité de sièges sans en avoir la majorité, a dénoncé un quasi-coup d’état ! Pour être bien sûr de bloquer la chose, il ferma le parlement !
L’aventure fut dommageable surtout pour Dion et le Bloc. Ne cherchez pas plus loin la source de la méfiance d’yves-françois Blanchet à l’égard de cette idée. C’est le même type de crainte qui a mené Pauline Marois, en 2012, à rejeter l’idée de son ministre Jean-françois Lisée de former un gouvernement de coalition avec des ministres de la CAQ et de QS.
Au fond, les seules « coalitions » que notre mode de scrutin et notre culture acceptent sont celles où un parti en avale d’autres avant d’arriver au pouvoir. C’est le cas de la « Coalition » avenir Québec de Legault.
Il serait bien surprenant qu’au lendemain du prochain scrutin fédéral, le gouvernement à Ottawa en soit un de coalition ou d’union.
Il serait bien surprenant qu’au lendemain du prochain scrutin fédéral, le gouvernement à Ottawa en soit un de coalition ou d’union.