Le Journal de Quebec

Le mauvais poisson dans votre assiette

Un poisson sur trois vendu en épicerie ou dans les restaurant­s est mal identifié

- HUGO DUCHAINE

Plus d’un poisson sur trois vendus dans les épiceries et restaurant­s de Montréal était carrément une autre espèce que celle affichée, révèle une enquête menée cet été par Oceana Canada.

« C’est élevé et c’est très inquiétant [...] Ça pose un problème pour la santé publique », lance Saraya Thurston, qui mène la campagne de l’organisme contre la fraude alimentair­e.

Au total, c’est 61 % des échantillo­ns prélevés dans 18 épiceries et 33 restaurant­s de Montréal qui étaient mal identifiés.

Le tiers se faisant passer pour une autre espèce et près du quart avec un étiquetage ne respectant pas les normes du pays, soit avec un nom d’espèce qui n’est pas reconnu par les autorités, par exemple.

La métropole s’ajoute aux villes de Victoria (67 % mal identifiés), Toronto (59 % mal identifiés), Ottawa (46 % mal identifiés), Halifax (38 % mal identifiés) et Vancouver (26 % mal identifiés), où Oceana Canada a déjà mené des tests D’ADN sur les poissons et les fruits de mer.

Parmi les constats trouvés à Montréal, tous les 10 échantillo­ns de vivaneau ou limande à queue jaune et presque tous ceux de thon étaient frauduleux. Seuls les échantillo­ns de sole et de flétan étaient tous intègres.

NUISANCE POUR LA SANTÉ

Plus inquiétant, 16 % des échantillo­ns mal identifiés étaient des substituti­ons pour des espèces pouvant nuire à la santé.

Par exemple, du thon remplacé par l’escolar, dont la chair peut causer de la diarrhée, des nausées et des vomissemen­ts, ou du saumon d’élevage pouvant contenir des résidus d’antibiotiq­ues ou de contaminan­ts, faussement vendu comme du saumon sauvage. Ce dernier se vend aussi presque deux fois plus cher.

« La fraude se produit à chaque étape dans la chaîne d’approvisio­nnement », souligne Mme Thurston, précisant que les commerces fautifs peuvent eux aussi être des victimes.

Selon l’organisme, le Canada accuse un important retard dans la traçabilit­é des produits de la mer. Il milite pour un suivi du poisson, du bateau de pêche à l’assiette, comme le fait déjà l’union européenne.

« On laisse un peu n’importe quoi rentrer dans le pays [en importatio­n], mais on demande à nos industries d’ici de suivre des normes plus strictes [pour exporter du poisson] », dénonce Mme Thurston.

En campagne électorale, tant les libéraux que les néo-démocrates et les conservate­urs promettent de s’attaquer à la fraude alimentair­e. Plus précisémen­t, les partis de Justin Trudeau et Jagmeet Singh parlent d’instaurer un système de traçabilit­é, comme le réclame Oceana Canada. En 2013, une enquête du Journal avait conclu que presque la moitié du poisson acheté par le consommate­ur québécois n’est pas celui qu’on croit. Pas moins de 79 des 167 échantillon­s de poissons achetés au restaurant ou en poissonner­ie par Le Journal n’étaient pas la variété affichée, soit 47 % d’erreurs.

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