Je vous ai apporté des bonbons
Dans le monde animal, on le sait, c’est le mâle qui exhibe ses charmes pour séduire la femelle.
Il chante, danse, gonfle ses plumes, balaie le sol de sa queue, change de couleur, fait la roue…
On appelle ça la « parade nuptiale ».
La femelle, elle, reste tranquille dans son coin pendant que ses prétendants se battent pour savoir qui va s’accoupler avec elle.
LA DANSE DE L’AMOUR
Cette semaine, les chefs fédéraux ont chacun fait leur parade nuptiale pour tenter de gagner le coeur de Miss Québec.
« Regarde comme je suis écolo », a dit Trudeau.
« Regarde comme je suis nationaliste », a dit Scheer.
« Regarde comme je suis de gauche », a dit Singh.
Assise sur son trône, heureuse (et surprise) de se retrouver ainsi au centre de tous les regards, de tous les égards, Miss Québec observait ses prétendants en faisant la moue.
Suis-je seul à avoir entendu Les bonbons de Jacques Brel en voyant les trois chefs se dandiner devant les caméras ? « Je vous ai apporté des bonbons Parce que les fleurs c’est périssable
Puis les bonbons c’est tellement bon
Bien que les fleurs soient plus présentables
Surtout quand elles sont en boutons
Mais je vous ai apporté des bonbons… »
On se serait cru au Love Fest de 1995, quand les Canadiens anglais avaient traversé le pays en autobus jaune pour venir nous dire qu’ils nous aimaient…
(À l’époque, c’était Ne me quitte pas de Brel qu’ils entonnaient en choeur, un mouchoir à la main. C’était avant la loi 21, qui nous a fait passer de superbe cygne à vilain petit canard.)
VOTRE AMI LÉON
Vous vous souvenez comment se termine la chanson Les bonbons de Brel ? « Et nous voilà sur la Grand’ Place Sur le kiosque on joue Mozart Mais dites-moi que c’est par hasard Qu’il y a là votre ami Léon Si vous voulez que je cède ma place J’avais apporté des bonbons… » Après avoir fait sa parade et chanté la sérénade pendant deux heures, le gars se rend compte que la belle qu’il courtisait s’était donnée à un autre prétendant. Léon, dans la chanson de Brel. Le Bloc, dans la présente campagne.
Alors le gars prend son petit sac de bonbons et retourne tout penaud chez lui, la fale à terre et la queue (littéralement) entre les jambes.
CONTINUEZ LE COMBAT !
De tous les chefs qui ont défilé devant Miss Québec ces deux derniers jours, Andrew Scheer est probablement celui qui a apporté le plus gros sac de bonbons.
Le chef conservateur est même allé jusqu’à citer Jean Lesage, figure tutélaire du nationalisme québécois (« Vous êtes maîtres chez vous ! »). Un peu plus, et il levait l’avant-bras comme Pierre Karl Péladeau.
Mais tout ça sentait le désespoir à plein nez. Comme un gars qui envoie un gros bouquet de roses à sa femme pour se faire pardonner d’avoir oublié son anniversaire…
Si j’étais Canadien anglais, je serais excédé.
« Non seulement Miss Québec nous fait suer, mais les chefs font la queue devant elle pour avoir la chance de lui chanter la pomme ! »
Attendez, les amis, vous n’avez rien vu.
Là, on se laisse tranquillement conter fleurette.
Mais contestez la loi 21, et vous allez découvrir nos griffes.
Les chefs fédéraux sont venus nous courtiser...