Enjeu fantôme à ottawa
Il est déplorable que la politique étrangère ait occupé si peu de place dans la campagne électorale fédérale, mais si on considère le bilan libéral et l’alternative offerte par les conservateurs, ça s’explique.
J’ai dû vérifier pour en être sûr : la politique étrangère est bel et bien une compétence du gouvernement fédéral.
Au terme d’une campagne électorale fédérale dominée par des enjeux souvent plus proches des compétences des provinces, on peut s’étonner qu’il ait été si peu question de la place et du rôle du Canada dans le monde.
BILAN MITIGÉ
En 2015, Justin Trudeau et son parti avaient promis de remettre le pays sur la carte en revenant aux principes directeurs des belles années de la politique étrangère canadienne et en redorant une image internationale ternie pendant les années Harper.
Leur bilan est mitigé. Au début, Trudeau a bénéficié de l’élan de fraîcheur qu’il semblait insuffler à la présence internationale du Canada. Dans les faits, surtout après l’arrivée de Donald Trump, son influence a été limitée et ses accomplissements modestes.
Certains libéraux ont protesté quand Andrew Scheer a annoncé son intention de réduire les budgets d’aide internationale, mais le bilan des libéraux à ce chapitre est extrêmement décevant. En proportion du PIB, les fonds alloués à l’aide au développement par le gouvernement de Justin Trudeau ont été inférieurs à ceux des gouvernements de Brian Mulroney et Stephen Harper.
LE DÉFI TRUMP
Parmi les grands défis à relever au lendemain de l’élection de lundi, le plus délicat sera sans doute la relation avec l’imprévisible Donald Trump, entre autres pour conclure l’accord commercial nord-américain.
Que le vis-à-vis de Trump soit Trudeau ou Scheer aura peu d’incidence sur le rapport de force canado-américain d’ici la finalisation de l’accord commercial trilatéral, qui sera surtout une affaire d’intérêt économique pur et simple.
Paradoxalement, le fait que le prochain gouvernement sera probablement minoritaire pourrait représenter un avantage dans la négociation, puisque ses vis-à-vis devront lui offrir des conditions acceptables par une plus large base d’appui s’ils souhaitent assurer la signature du Canada.
TENSIONS
Dans l’ensemble, il y a de quoi regretter qu’on n’a presque pas entendu parler de politique étrangère pendant cette campagne, alors que les risques de conflits se multiplient dans plusieurs points chauds du monde, que les alliances menacent de se décomposer et que les tensions commerciales perdurent.
L’appui donné mercredi par Barack Obama à Justin Trudeau donnera peut-être un peu de tonus à l’image qu’il souhaite projeter de la politique extérieure dans le dernier droit de la campagne.
Il est toutefois probable que ce geste ne suffira pas à effacer le constat qu’en matière de leadership international, le gouvernement de Justin Trudeau n’a pas été à la hauteur de ses promesses.
Ce constat, lié au fait que les conservateurs n’offrent pas une vision bien plus inspirante dans ce domaine, explique pourquoi les enjeux internationaux ont été si peu en évidence pendant cette campagne.