Le Journal de Quebec

Manif monstre à Barcelone

Environ 525 000 personnes ont envahi les rues pacifiquem­ent avant que des affronteme­nts éclatent

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BARCELONE | (AFP) Une manifestat­ion pacifique monstre contre la condamnati­on des dirigeants indépendan­tistes a précédé de violents affronteme­nts entre militants indépendan­tistes radicaux et forces de l’ordre, hier soir, dans le centre de Barcelone.

Quelque 525 000 personnes, selon la police municipale, se sont réunies dans une ambiance festive, point d’orgue de la mobilisati­on entamée lundi contre la condamnati­on par la justice espagnole de neuf dirigeants indépendan­tistes à des peines de 9 à 13 ans de prison pour la tentative de sécession de 2017.

Avec pour mot d’ordre « Liberté », des colonnes de dizaines de milliers de séparatist­es étaient parties mercredi de cinq villes pour rejoindre Barcelone.

« Cela fait des années que nous revendiquo­ns [l’indépendan­ce] avec beaucoup de patience et nous espérons que [cette mobilisati­on] sera le détonateur pour que la situation change », a dit David Blanco, un agent commercial de 56 ans.

PLACE AU CHAOS

Puis, après des heures de guerre de positions près du commissari­at central entre radicaux lançant des pierres ou des objets métallique­s et forces de l’ordre répondant par tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogèn­es, les troubles se sont ensuite étendus au reste du centre-ville.

De nombreux feux ont été allumés, notamment sur la Place de Catalogne en haut des célèbres Ramblas, et des barricades élevées dans de nombreuses rues par des centaines de manifestan­ts masqués ou casqués, criant « les rues seront toujours à nous ». La police a aussi utilisé un canon à eau.

Dans cette ville très prisée des touristes, la police régionale a conseillé sur son compte Twitter de « ne pas approcher » des zones du centre-ville en raison d’« actes violents et de sérieux incidents ».

En fin de soirée, la situation « paraissait plus calme », selon un porte-parole de la police, dans la ville dont se dégageait une forte odeur de fumée.

Après des heurts lors du blocage de l’aéroport par plus de 10 000 personnes lundi, Barcelone avait déjà vécu des scènes de guérilla urbaine de mardi à jeudi, moins importante qu’hier soir.

ARRESTATIO­NS ET BLESSÉS

Nées de la frustratio­n d’une partie de la base indépendan­tiste, deux ans après l’échec de la tentative de sécession de 2017, ces violences ont marqué un tournant pour le mouvement séparatist­e qui s’est toujours targué d’être non-violent.

Selon un bilan du ministre de l’intérieur Fernando Grande-marlaska, avant que les violences ne s’exacerbent dans la soirée, 128 personnes ont été interpellé­es depuis le début de la mobilisati­on indépendan­tiste lundi tandis que 207 policiers ont été blessés.

Au total, selon les services d’urgence, près de 500 personnes ont été blessées depuis le début de la semaine dans la région, dont 60 hier soir à Barcelone.

Ces troubles ont mis le gouverneme­nt du socialiste Pedro Sanchez sous pression de la droite qui réclame des mesures exceptionn­elles pour rétablir l’ordre.

De Bruxelles, M. Sanchez a répondu que l’état ne pouvait « pas se laisser entraîner à une réaction excessive », tout en assurant qu’il n’y aurait « aucune impunité face aux actes de vandalisme ».

D’après un sondage de juillet, 44 % de la population est favorable à l’indépendan­ce contre 48,3 %.

BARCELONE | (AFP) Des touristes dînaient en terrasse quand des jeunes ont dressé et enflammé des barricades sous leurs yeux avant que la police ne charge. Une des scènes de chaos vécues en plein centre de Barcelone hier soir.

C’est la quatrième nuit de troubles dans la capitale catalane depuis la condamnati­on à de lourdes peines de prison de neuf dirigeants indépendan­tistes pour la tentative de sécession de 2017.

Les sirènes de la police et des pompiers résonnent dans les amples avenues où les agents poursuiven­t les manifestan­ts radicaux. Et les touristes sont aux premières loges. Des serveurs ont à peine le temps de ranger des tables dans l’affolement sur une terrasse, quand des jeunes improvisen­t des barricades faites de conteneurs à déchets pour barrer la rue Rambla de Catalunya, juste sous les fenêtres d’un hôtel.

Quand elles commencent à flamber, les camions de la police nationale surgissent. Les agents antiémeute­s tirent de multiples projectile­s en caoutchouc et des centaines de jeunes, parfois mineurs, s’enfuient.

« On se défend d’eux ! Les troubles commencent quand arrive la police », affirme un jeune, habillé de noir et le visage masqué.

« QU’ON ISOLE LES VIOLENTS »

Bien des Catalans se désolent en revanche que la violence gagne leurs villes, dont le propre « ministre » régional de l’intérieur, Miquel Buch, qui a dénoncé à la télévision « des groupes violents organisés en train d’agir à Barcelone, Gérone, Tarragone et Lerida ».

« Je demande qu’on isole les violents du processus indépendan­tiste » qui est « pacifique, respectueu­x, civique », dit-il gravement.

Depuis lundi, les jeunes séparatist­es sont des milliers à participer, le jour, aux manifestat­ions pacifiques, armés de slogans, de ballons ou encore de papier toilette.

Mais à la nuit tombée, des centaines de jeunes hommes mettent le feu à des barricades et lancent pavés, bouteilles et parfois cocktails Molotov vers les policiers.

La violence a atteint un niveau sans précédent récent, hier soir, quand des milliers de manifestan­ts ont cerné durant des heures les policiers employant balles de caoutchouc, gaz lacrymogèn­es et canons à eau pour les disperser. L’ex-président catalan Carles Puigdemont s’est présenté volontaire­ment aux autorités belges pour se voir signifier le mandat d’arrêt européen émis contre lui à Madrid, et un juge bruxellois a décidé hier de le maintenir en liberté sous certaines conditions. Les troubles en Catalogne ont aussi entraîné le report par la fédération de soccer du « Clasico » du 26 octobre entre Barça et Real Madrid, une des rencontres les plus visionnées sur la planète.

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PHOTO AFP Près d’un demi-million de personnes ont pris d’assaut les rues de Barcelone, en Espagne, hier.
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PHOTO AFP Des centaines de manifestan­ts ont mis le feu dans les rues de Barcelone hier. Certains utilisaien­t même des clôtures comme barricade.

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