Les élections fédérales, « c’est nous » !
Le Québec est l’enfant chéri du Dominion, se plaignait le premier ministre du Nouveau-brunswick, Blaine Higgs, hier.
Sur plusieurs plans, c’est évidemment faux. Les Maritimes sont légèrement plus gâtées en termes de péréquation (par tête de pipe), mais aussi de contrats navals, pour ne se limiter qu’à deux aspects.
Surtout, le Québec n’a jamais obtenu réparation pour l’outrage du rapatriement de la Constitution sans son consentement et n’est pas prêt de l’obtenir. Cela explique entre autres la survie du Bloc québécois, dont la naissance et la raison d’être sont liées à l’échec des tentatives de réparation de 1987 et de 1992.
CAMPAGNE QUÉBÉCOISE
Force est d’admettre cependant que dans cette campagne, il a été énormément question du Québec.
Dans le seul et unique débat anglophone, c’était manifeste (… du moins dès que la cacophonie cessait).
Tous les chefs — dont trois sur six viennent du Québec — ont débattu de la loi 21, du dossier Snc-lavalin, de la réticence québécoise face aux oléoducs.
Les 78 sièges du Québec sont cette année cruciaux pour tout parti souhaitant former un gouvernement.
À l’inverse, en 2008, mais surtout en 2011, Stephen Harper a pu former des gouvernements tout en se contentant d’une poignée de sièges au Québec. Cette fois, libéraux et conservateurs ont besoin du Québec.
Les bleus de Scheer ont tout tenté pour le séduire, notamment en recrutant une équipe de candidats principalement composée de personnages engagés dans leur milieu.
Les libéraux ont trouvé le talon d’achille de Scheer en agitant l’épouvantail de l’avortement, et plus généralement du conservatisme social. L’attaque a fait mouche. Les caricaturistes le dessinent avec soutane et collet romain. L’impréparation du chef conservateur a aggravé les choses.
Et malgré ses valeureuses promesses sur le respect des priorités et compétences du Québec, malgré son serment maintes fois réitéré de ne pas joindre une contestation de la loi 21, plusieurs Québécois, foncièrement méfiants de tout ce qui est religieux, continuent de le bouder.
Quant à Justin Trudeau, il a manifestement retrouvé sa fierté québécoise, mais tient à l’axer autour des seules valeurs « progressistes », ne cédant rien ni au nationalisme ni au laïcisme à la québécoise. Sera-ce suffisant face à « Jagmeet le sympathique » ?
LE FACTEUR LEGAULT
Pourquoi a-t-il tant été question du Québec ?
L’effet Legault, évidemment. Et cela ne tient pas seulement à ses sorties senties pour défendre les intérêts du Québec. Après tout, Jean Charest en 2008 et même Philippe Couillard en 2015 en avaient fait autant.
La voix de Legault porte davantage, d’abord parce qu’il s’est borné à quatre demandes, habilement récupérées par Yves-françois Blanchet. Ensuite et surtout : son succès électoral éclatant est encore récent et a changé la donne.
Un nationalisme au pouvoir, non souverainiste (donc qui veut participer à l’aventure du Dominion), on n’a pas vu ça depuis la fin du 2e mandat Bourassa, en 1994. Et même avant de voir l’issue du scrutin de lundi, on peut affirmer que ce fut déterminant.