Le Journal de Quebec

MOTS DITS DU SAMEDI

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NON-NOM

Voici la phrase fautive qui nous fut présentée dans la chronique Corriger s’il y a lieu, samedi dernier : « Son voisin s’étant mérité le prix qu’il convoitait, Adalbert dit être victime d’inéquité ». 1– Le verbe mériter et sa forme pronominal­e se mériter sont des impropriét­és au sens de gagner (un prix), de remporter (une victoire).

Mériter signifie être digne d’une récompense ou encourir un châtiment. Ex. : Ta soeur mérite une récompense, mais ton frère mérite d’être puni. Mériter peut aussi signifier « exiger » ou « valoir ». Ex. : Tout travail mérite récompense. Quant à la constructi­on pronominal­e « se mériter », l’office québécois de la langue française est un des rares organes de référence à la définir. Le verbe se mériter veut dire, entre autres, s’obtenir par la valeur ou l’effort. Ex. : La confiance, ça se mérite, et le succès se mérite par le travail. Mais, on ne peut pas mériter (ou se mériter) un prix en participan­t à un concours. On peut, avec de la chance, gagner ou remporter un prix.

2– Bien qu’employé couramment, surtout au Québec, le non-mot « inéquité » est une impropriét­é pour iniquité. Il s’agit d’un barbarisme, cette erreur de langage qui consiste, dans ce cas précis de l’utilisatio­n du non-nom « inéquité », à employer un mot forgé ou déformé. D’accord, l’adjectif inéquitabl­e existe. Il signifie injuste. Comme l’adjectif inique. Les anglophone­s utilisent le nom inequity, mais en français le nom « inéquité » est vraiment inexistant. On parlera plutôt d’injustice, de partialité…

MISÈRE !

« J’ai de la misère à étudier, ma grandmère a de la misère à tricoter, et autre phrase du genre, entendons-nous couramment. Moi, “j’ai bien de la misère” à accepter cette formule, nous confie Micheline T. Elle est incorrecte, non ? » Disons qu’elle est « plus ou moins correcte » cette forme entrée subtilemen­t dans l’usage au Québec.

Le terme misère signifie grande pauvreté. Le mot misère est synonyme de grand malheur. On peut être dans la misère, on peut gagner un salaire de misère, mais pourquoi dire qu’on a de la misère à joindre les deux bouts quand on peut dire qu’on a du mal, de la difficulté ou de la peine à joindre les deux bouts ou qu’on y parvient difficilem­ent. D’accord, la plupart des ouvrages de référence québécois semblent accepter cette locution, familière, lorsqu’elle est employée à l’oral.

Mais le terme misère a besoin d’un peu de repos. Voyons à quel point il est sollicité : on peut être touché, frappé, chassé par la misère ; on peut être victime de la misère, on peut être réduit à la misère, on peut sombrer et croupir dans la misère, la traîner, mais aussi la cacher, la combattre et la dénoncer.

On peut fermer les yeux sur la misère, se mettre à l’abri de la misère, la vaincre et l’éradiquer. Ce n’est pas recommandé, mais on peut porter toute la misère du monde sur ses (plus ou moins) frêles épaules. On peut aussi sortir de la misère. Et sortir de cette chronique, ce que nous faisons à l’instant. Misère !

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