Ça risque de coûter cher
MICHEL GIRARD
Chose certaine, avec la réélection de Justin
Trudeau à la tête d’un nouveau gouvernement minoritaire, les déficits du gouvernement fédéral risquent d’être plus imposants que les onéreuses projections effectuées dans son cadre financier électoral.
La raison en est bien simple.
Pour se maintenir au pouvoir, le gouvernement Trudeau devra faire des compromis financiers avec son futur partenaire susceptible d’être le plus fidèle, soit le NPD de Jagmeet Singh.
Le problème ? Jagmeet Singh a effectué à lui seul des promesses électorales de 130 milliards de dollars sur quatre ans. C’est 2,3 fois plus que le montant des généreuses promesses du chef libéral, lesquelles s’élèvent à 57 milliards sur les mêmes quatre ans.
Au nombre des promesses du NPD, il y a, entre autres, la mise en place d’un régime pancanadien d’assurance-médicaments (48 milliards $), d’un plan de couverture des soins dentaires (4,3 milliards $), d’un programme de construction de 500 000 logements sociaux (14 milliards $), d’un programme d’allocation logement
(4,9 milliards $), d’une aide financière de 2,9 milliards en soins à domicile et de longue durée.
« POGNÉ » AVEC DES PROMESSES
Ainsi, au lendemain de l’élection, Justin Trudeau se retrouve « pogné » à respecter ses propres promesses de 57 milliards $ qui vont générer… quelque 94 milliards de déficits en quatre ans. Et en plus, M. Trudeau n’aura pas le choix de permettre à certaines promesses du NPD de voir le jour.
Ce qui aura inévitablement pour conséquences d’augmenter encore davantage les gros déficits budgétaires déjà prévus par les libéraux.
Pour financer ses plantureuses promesses, le NPD prévoyait récolter en quatre ans rien de moins que
130 milliards $ de revenus fiscaux additionnels. Comment ? En haussant notamment de 3 points de pourcentage le taux d’imposition du revenu des entreprises (27,6 milliards), en taxant les grandes fortunes qui dépassent les 20 millions $ (24,6 milliards), en augmentant le taux d’imposition sur les gains en capital (59 milliards), en haussant de 2 points le taux marginal d’impôt sur les revenus excédant les 210 371 $ (3,5 milliards).
Il serait fort étonnant de voir Justin Trudeau s’inspirer de ces hausses d’impôt néo-démocrates pour éponger les compromis financiers qu’il sera appelé à consentir au NPD de Jagmeet Singh.
Je ne pense pas que le NPD s’en offusquera au point de faire tomber le gouvernement minoritaire de Trudeau. Concrètement, le NPD n’a aucun intérêt à précipiter la chute de Justin Trudeau. Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh devra consacrer énormément d’efforts à convaincre les membres de son parti qu’il est toujours l’homme de la situation, tout en rebâtissant les assises du parti, notamment au Québec.
QUOI DE NEUF POUR QUÉBEC
Le nouveau chef du Bloc québécois, Yves-françois Blanchet, fort de sa grande « victoire » avec 32 sièges au Québec, n’a pas, lui aussi, intérêt à faire tomber Justin Trudeau rapidement.
Une nouvelle ère au parlement fédéral s’ouvre pour ses 32 bloquistes élus. Plus longtemps survivra le gouvernement minoritaire de Trudeau, plus longtemps ils savoureront leur rôle de défenseur privilégié des intérêts du Québec à Ottawa.
Face aux revendications de François Legault dans le cadre de la campagne électorale, le retour massif des bloquistes au parlement fédéral devrait aider à faire avancer la cause du Québec.
Le principal gain ? Durant tout son mandat de gouvernement minoritaire, Justin Trudeau ne mettra aucun bâton dans les roues de la nouvelle loi québécoise sur la laïcité. La raison ? En vue des prochaines élections, si M. Trudeau veut reconquérir une partie des électeurs québécois qui ont déserté son parti au profit du Bloc, c’est le genre de compromis inévitable à faire.
Il se peut également que Justin Trudeau se montre réceptif à la demande d’augmentation de la contribution fédérale en santé, à l’obtention par le Québec de responsabilités accrues en matière de lutte contre les changements climatiques et d’environnement, et à la demande de lui accorder plus de pouvoirs en matière d’immigration.
Concernant la production d’une déclaration de revenus unique que le Québec revendique à l’unanimité depuis belle lurette, oublions cela. Le seul compromis que Trudeau ferait à ce chapitre, ce serait d’en confier l’administration à Revenu Canada. Le Québec ne veut rien savoir de cette proposition.
Pour terminer, je crois que le prochain gouvernement minoritaire de Justin Trudeau va rester au pouvoir plus longtemps que la durée moyenne de un an et demi à deux ans.
Aucun des partis opposés (conservateur, NPD, Bloc, vert) n’a intérêt à faire tomber le nouveau gouvernement Trudeau avant deux ans et demi, minimum.