Pour un maître chez nous sanitaire
La réponse de François Legault a été franche et directe, à l’image de celles qui lui ont valu un appui massif des Québécois depuis le début de l’ère covidienne.
« S’il y a une leçon qu’on tire de la crise actuelle, c’est qu’on devrait être autonome pour les biens qui sont essentiels, puis l’équipement médical, c’est un bien essentiel. »
Le premier ministre parlait de la possible pénurie de masques médicaux, évidemment, mais aussi d’autres équipements nécessaires à la protection de nos « anges gardiens », comme des gants et des blouses.
On a pu constater dans la dernière semaine l’aspect stratégique de ces outils. Mais aussi l’état de dépendance inouï dans lequel le Québec et le Canada ont lentement glissé depuis deux décennies en ces matières.
Le Québec en est à explorer la possibilité de réutiliser le matériel, de restériliser les masques. Comme s’amusait Gaétan Barrette, sur Twitter : « C’est comme des bobettes, sont mieux d’être propres ! » De sympathiques « Couturières unies contre COVID-19 ! » ont commandé du tissu et commencé à fabriquer des masques, des blouses.
PAS DE CADEAUX
Ça joue dur dans le monde de l’approvisionnement médical en ces temps de crise. Les États ne se font pas de cadeaux, comme toujours dans les relations internationales.
Donald Trump incarne cet égoïsme jusqu’à la caricature. Constatant l’aggravation de la crise de la COVID-19 chez lui, il a invoqué une vieille loi datant de 1950, la Defense Production Act (DPA) pour interdire au géant 3M d’exporter des masques N95 au Canada et dans les pays latino-américains.
3M a protesté ; le premier ministre Trudeau aussi, évoquant même d’empêcher lui aussi des exportations. (Bien essayé, mais peu convaincant.)
C’est là l’effet de la logique protectionniste. Tu me menaces, alors je te menace. On se claquemure. La mondialisation avait certes quelque chose de naïf, mais voulait justement en finir avec la spirale des égoïsmes nationaux.
Surtout à une époque où les problèmes sont si souvent transnationaux.
Une chauve-souris, en Chine, donne un virus à un pangolin qui le transmet à un être humain, et hop, c’est parti pour un effondrement mondial.
Sauf qu’en cherchant à appliquer le principe du libre-échange, l’occident a surtout transformé la Chine en manufacture du monde. Et nous en sommes devenus trop dépendants.
MAÎTRES CHEZ NOUS
Comment refonder notre souveraineté sanitaire ?
En agissant, comme François Legault l’a évoqué hier, selon la logique d’un maître chez nous. À court terme, ne comptons pas trop sur le fédéral et tentons de nous approvisionner directement. Un jet désoeuvré d’air Transat pourrait aller chercher une cargaison de masques en Chine au nom du Québec, me disait un élu, hier ! La santé est de notre compétence.
À moyen terme, rapatrions le manufacturier stratégique chez nous. Fabriquons nos masques, nos blouses, nos gants. Et pourquoi pas certains médicaments « stratégiques » ?
L’idée de Pharma-québec, proposée par Amir Khadir de Québec solidaire, il y a cinq ans (avec son projet de loi 197), devrait être réexaminée. Cette société d’état pourrait avoir un volet fournitures médicales, et même commencer par là.