Le Journal de Quebec

Je m’ennuie des Nordiques

- RÉJEAN rejean.tremblay@quebecorme­dia.com TREMBLAY

Ç’a commencé avec cet appel à Claude Bédard. Le survivant de la conception même des Nordiques. Puis, j’ai appelé Marcel Aubut pour valider un point de l’histoire.

Je lui ai parlé de Claude Bédard. Les deux hommes ne s’étaient pas parlé depuis la crise qui avait emporté Me Aubut de la présidence du Comité olympique canadien. Cinq ans déjà.

Le lendemain, j’ai appris que les deux hommes, fort émus, avaient jasé presque deux heures pour rattraper le temps perdu. Et je me suis ennuyé des Nordiques. Encore plus après avoir suivi le match de 1988 entre les Nordiques et le Canadien. Le dernier match de l’entraîneur Ron Lapointe qui avait appris le matin même du match qu’il était atteint d’un cancer au rein.

Je n’étais pas tout seul à m’ennuyer. L’audience pour le match à TVA Sports jeudi soir a été la meilleure à la télé sportive depuis le début de la pandémie de la COVID-19.

JE M’ENNUIE DES NORDIQUES

Je m’ennuie des Nordiques parce que je m’ennuie de cette amitié un peu romantique qui nous unissait tous dans l’univers des Nordiques et du Canadien.

Je m’ennuie de Jean Pagé, le beau Jean qui après avoir commencé sa carrière à Québec a fini à la Soirée du Hockey à Montréal. Je m’ennuie d’albert Ladouceur, le doux et sensible Albert, dont la dernière oeuvre profession­nelle aura été l’histoire des Nordiques dans la collection RaconteMoi. Il voulait vivre pour compléter ce livre destiné aux jeunes. La morphine altérait son sens de la chronologi­e. Tellement que l’historien Benoît Clairoux est venu en renfort pour compléter le manuscrit avec Albert. Sans rien demander. C’est resté le livre d’albert.

Je m’ennuie de Claude Larochelle, le passionné des passionnés, patron des sports au Soleil et de Claude Cadorette du Journal qui a couvert les Nordiques du jour un à leur déménageme­nt crèvecoeur à Denver. Cadorette n’aura jamais vu ses Nordiques jouer au Colorado. Salut les deux Claude.

Comment oublier Marc Simoneau que Mario Jean imitait tellement bien ? Et Pierre Trudel ? Et Michou Villeneuve ? Et Serge Cloutier qui était à CJRP si ma mémoire est fidèle ? Comment oublier les incroyable­s bagarres que se livraient les réseaux de radio. Même à l’intérieur du même réseau, les gars de Montréal essayaient de planter ceux de Québec. Et vice-versa.

Je m’ennuie de Maurice Dumas, un vrai gars de beat comme il ne s’en fait plus beaucoup. C’est fou, quand je veux avoir de ses nouvelles, j’appelle son fils Hugo à La Presse.

JE M’ENNUIE DES NORDIQUES

Et puis, Québec me manque. Un des plaisirs de la rivalité entre le Canadien et les Nordiques, a toujours été les escapades à Québec. Une fois par mois, une fois par semaine pendant les séries, je descendais à Québec. Le plaisir de se faire des toasts au beurre de pinottes à 1 heure du matin dans la cuisine du Bonne-entente avec Tom Lapointe en buvant du nectar de pêches!

Québec a toujours été la plus belle ville d’amérique. Plus belle que Boston, plus belle que San Francisco et bien plus belle que La Nouvelle-orléans même si ça va briser le coeur de Pascale Lévesque de lire ça.

Et Québec était paquetée de fans. Des vrais. Chaleureux, fougueux et passionnés. Des fans qui aimaient leurs Nordiques avec l’inquiétude dans le fond du coeur. En sachant bien qu’ils étaient précaires, qu’ils étaient toujours en danger. Des mégapoles voudraient toujours ramasser cette belle organisati­on. On les aimait comme on aime une belle femme désirée par un riche et séduisant voisin.

JE M’ENNUIE DES NORDIQUES

Tout comme je m’ennuie de la compétitio­n. La compétitio­n entre les journalist­es qui travaillai­ent d’arrache-pied à dénicher un scoop, une nouvelle ou un reportage qui ferait parler le lendemain.

Sérieux, il n’y a plus de compétitio­n quand toutes les communicat­ions sont contrôlées par une seule organisati­on en situation de monopole. Et le résultat est navrant. Les fans ne connaissen­t plus les joueurs. Ils ne pourraient pas les reconnaîtr­e sur la rue tellement ils sont loin des gens.

Je m’ennuie de Peter Stastny, devenu un ami cher, d’anton, de Goulet, de Dave Pichette, d’alain Côté, de Peter Svoboda, de Chris Chelios, de Patrick Roy, de Carbo, de Rick Green et de tous ces légendaire­s gaillards qu’on connaissai­t comme des frères.

C’étaient des hommes libres qui se donnaient le droit d’être vrais et de dire ce qu’ils pensaient.

En fait, je m’ennuie d’un hockey qui était à échelle humaine.

JE M’ENNUIE DES NORDIQUES

Je vis le confinemen­t avec soin. Je fais partie des statistiqu­es à risques.

Et je m’ennuie des Nordiques parce que les Nordiques, c’était évidemment l’amitié, la compétitio­n, la chaleur humaine et des Glorieux qui étaient obligés d’être proches de leurs partisans parce que les Fleudelisé­s l’étaient encore plus.

Mais m’ennuyer des Nordiques me fait réaliser comment je suis privilégié d’avoir tout vécu de cette épopée. Ça veut aussi dire qu’avoir une santé de fer permet de vieillir en savourant le passé tout en vivant un présent passionnan­t et d’avoir hâte de découvrir un futur intrigant. Vous savez, la Route 66 sur son Harley, pas obligé de la faire juste une fois dans une vie. Je préparais la troisième pour juin…

DANS LE CALEPIN - Serge Fortin, le grand boss de TVA Sports a fait ma journée hier. La semaine prochaine, on va avoir droit à toute la série de six matchs entre les Nordiques et le Canadien. Celle de 1993 qui a conduit à l’ultime coupe Stanley du CH. Après, les Bleus sont partis et le Canadien a pu régner sans devoir gagner. On voit les résultats.

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PHOTO D’ARCHIVES Les matchs Canadien-nordiques donnaient toujours lieu à des moments remplis d’intensité, comme ici lors des séries éliminatoi­res en mai 1985.
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