Le Journal de Quebec

Airbnb l’effrontée

- ANTOINE ROBITAILLE e Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Airbnb nous prend vraiment pour la première syllabe du mot contribuab­le.

Elle a compris dès le début de la pandémie que son commerce serait durement affecté. Inquiétude légitime et compréhens­ible : toute l’industrie touristiqu­e, de provenance interne comme internatio­nale, est mise sur pause et pour longtemps.

Ainsi, le 17 mars, la maison mère de ce géant du web expédiait une lettre pleine de doléances fiscales à plusieurs ministres fédéraux. (À Québec, on n’a rien reçu.)

Selon ce que rapportait Radio-canada hier, Airbnb réclamait des allègement­s fiscaux afin d’aider ses hôtes canadiens. Notamment de cesser de percevoir la TPS et la TVH (TVQ au Québec).

Ce n’est pas tout. L’entreprise demandait en plus une « réduction du taux d’imposition » (!), un « report d’un an du paiement de la taxe fédérale ». Enfin, elle proposait un élargissem­ent de l’accès à l’assurance-emploi pour les « travailleu­rs non traditionn­els », comme les hôtes Airbnb ». On vous fait couler un bain en plus?

COLLABORAT­IVE ?

Airbnb est une des entreprise­s phares de l’économie dite « collaborat­ive ». Celles-ci sont très pratiques, il faut l’admettre. Et souvent très efficaces. Ce pour quoi on les utilise.

Mais elles ont hérité de L’ADN libertarie­n des débuts du web. Pour décrire ce code génétique, j’aime parler de « l’esprit de 1996 ». Cette année-là, le parolier des Grateful Dead,

John Perry Barlow, pionnier de l’internet, rédige une pompeuse Déclaratio­n d’indépendan­ce du cyberespac­e : « Gouverneme­nts du monde industriel, vous, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du Cyberespac­e, le nouveau domicile de l’esprit. Au nom du futur, je vous demande à vous qui êtes le passé de nous laisser tranquille­s. »

Plusieurs des géants numériques ont, depuis un quart de siècle, fonctionné selon cet esprit. Pensons à Uber. Ils ont tout fait pour contourner les règlements et les lois.

Avec l’avantage comparatif de la dématérial­isation combiné à leur efficacité décuplée grâce aux téléphones polyvalent­s, ils ont amassé des tonnes de fric… qu’ils ont caché dans des paradis fiscaux.

Airbnb a ainsi un siège social américain, paie ses impôts sur ses revenus américains. Mais curieuseme­nt, elle a aussi un autre siège social, Airbnb Internatio­nal, situé en Irlande. On peut donc présumer qu’elle a su profiter des règles fiscales complaisan­tes du pays du trèfle, qui font sourciller la Commission européenne. C’est par là que les profits internatio­naux peuvent aller croître sous le soleil d’un paradis fiscal. Si Airbnb avait pu aller en bourse cette année, on en aurait peutêtre su un peu plus sur ses finances.

J’ai tenté d’obtenir des réactions officielle­s aux propositio­ns culottées d’airbnb. Rien. Un membre d’une officine gouverneme­ntale m’a toutefois texté : « C’est plutôt comique comme demande :)»

CATASTROPH­E

Comique, le mot est gentil. À partir de janvier 2019, le Québec a forcé quelque 150 entreprise­s numériques à percevoir la TPS-TVQ. Airbnb a tardé à obliger ses hôtes à le faire. Le gouverneme­nt de la CAQ a dû resserrer encore les règles pour qu’airbnb obtempère.

Comme bien des géants du web atteints du sentiment de supériorit­é du numérique, on levait le nez sur l’état.

Puis, quand la catastroph­e frappe, on vient lui quémander de l’aide. Rien de très honorable. On peut même, pour rester gentil, parler d’effronteri­e.

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Airbnb a du front tout le tour de la tête.

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