Le Journal de Quebec

Des taux terribleme­nt loin de la réalité

- Michel Girard

Que le taux officiel du chômage en mars ne soit que de 7,8 % au Canada et de 8,1 % au Québec… c’est farfelu, tellement c’est loin de la réalité en cette période de guerre contre la COVID-19.

À vrai dire, il faudrait vraisembla­blement multiplier par deux ces taux officiels rapportés par Statistiqu­e Canada pour avoir une idée plus précise de l’impact désastreux de la pandémie du coronaviru­s sur l’emploi au Québec et dans les autres provinces canadienne­s.

Ce qui donnerait un taux de chômage non officiel (mais ô combien plus réaliste) d’environ 15 % pour le Canada et de 16 % pour le Québec.

EXPLICATIO­N

Officielle­ment, il s’est perdu en mars 1 million d’emplois au Canada.

À ce chiffre officiel, il faut ajouter 2,1 millions de personnes, dont 1,3 million qui n’ont pas travaillé et

794 000 qui ont vu leurs heures coupées de plus de la moitié.

Ce qui porte donc, selon Statistiqu­e Canada, à 3,1 millions le nombre total de Canadiens touchés par une perte d’emploi ou des heures réduites substantie­llement.

Pour le Québec, Statistiqu­e Canada rapporte une perte officielle d’emplois de 264 000 pour le mois de mars. La réalité ? On devrait plutôt parler d’au moins 550 000 pertes d’emplois en mars, sinon plus.

Et dire que ça va empirer en avril. L’ampleur de l’actuelle chute d’emploi dépasse et de loin celle survenue lors des trois précédente­s récessions. Tous les secteurs sont touchés, exception faite des services essentiels.

LA CONFUSION

À la décharge de Statistiqu­e Canada, il faut dire que la collecte des données sur le marché de l’emploi a été complèteme­nt chamboulée par la série d’interventi­ons gouverneme­ntales sans précédent effectuées depuis la mi-mars dans le cadre de la lutte à la COVID-19.

C’est pourquoi les données sur les mises à pied, les heures travaillée­s, les gens sans travail… sont en soi faussées.

Comme on sait, la nouvelle Prestation canadienne d’urgence (PCU) a pris la relève de l’assurance-emploi pour la période commençant le 15 mars dernier. Ce qui vient d’autant changer la cueillette des données puisque la PCU ratisse beaucoup plus large que l’assurance chômage.

En effet, la PCU est admissible à toutes les personnes victimes d’un arrêt de travail ou de gagne-pain, incluant ainsi les travailleu­rs autonomes et les employés n’ayant pas suffisamme­nt d’heures de travail accumulées aux fins de l’assurance-emploi.

Autre mesure gouverneme­ntale majeure qui change la donne de l’assurance-emploi : la mise en place par le gouverneme­nt Trudeau de la nouvelle Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), laquelle subvention couvre 75 % du salaire des employés des entreprise­s privées touchées par la pandémie du coronaviru­s. Plafonnée à 847 $/semaine par employé, cette subvention rétroactiv­e au 15 mars dernier est en vigueur jusqu’à concurrenc­e de 12 semaines.

La subvention a pour but d’inciter les entreprise­s à garder leurs employés (même s’ils ne travaillen­t pas) au lieu de les mettre à pied en les envoyant à l’assurance-emploi.

Par ricochet, cela signifie que des millions de travailleu­rs du secteur privé seront payés à ne rien faire aux crochets de l’état au lieu de se retrouver dans les statistiqu­es de l’assurance-emploi.

L’ampleur de l’actuelle chute d’emploi dépasse et de loin celle survenue lors des trois précédente­s récessions

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