Le Journal de Quebec

Comment sommesnous tombés si bas ?

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

Connaissez-vous Jean Bottari ?

Ex-préposé aux bénéficiai­res, monsieur Bottari est souvent invité dans les médias pour parler du traitement des aînés dans les CHSLD.

C’est un homme calme, qui ne s’emporte jamais, quelle que soit la situation qu’il doit commenter.

Voici ce qu’il a écrit sur sa page Facebook hier après-midi.

« Je dénonce le sort peu enviable que doivent vivre les bâtisseurs de notre société. J’en ai vu et entendu, des choses, depuis 20 ans. Il faut croire que je suis à bout, car je n’ai jamais pleuré comme je le fais en regardant les reportages portant sur la Résidence Herron.

« La tristesse et la colère m’envahissen­t. Sans compter ce sentiment d’impuissanc­e. Je suis désolé de partager ainsi mes états d’âme. Ce n’est pas dans mes habitudes. »

« UN CAMP DE CONCENTRAT­ION »

Mercredi, une journalist­e de City News a interviewé une ancienne infirmière qui a répondu à l’appel du premier ministre Legault et a décidé de mettre l’épaule à la roue afin d’aider les malades.

Elle a travaillé à la Résidence Herron, à Dorval. Ce qu’elle a vu l’a traumatisé­e. « J’ai craqué et je ne cessais de pleurer. Je sens encore l’odeur de l’urine et des excréments qui maculaient les matelas des résidents… »

On utilise souvent l’expression « histoire d’horreur » dans les médias. Mais cette expression n’a jamais été aussi appropriée que maintenant. Ce qui s’est déroulé au CHSLD Herron (une résidence « de luxe » où le coût du loyer pouvait aller jusqu’à 10 000 $ par mois) est horrifique. Odieux. Obscène.

Indigne d’une société qui se dit civilisée.

Deux préposés pour 134 lits. Des résidents tellement déshydraté­s qu’ils n’arrivaient pas à parler. Un homme qui avait trois couches pleines, l’une par-dessus l’autre. Des vieux qui macéraient dans leurs excréments depuis trois, quatre jours. Des gens qui étaient tombés en bas de leur lit. Des morts. « Un vrai camp de concentrat­ion », a dit un témoin rencontré par The Montreal Gazette.

UNE HONTE

Devant un tel enfer, on est sans mot. Comment sommesnous tombés si bas ? Sans que personne – propriétai­re, employés, proches des résidents – n’alerte les autorités ?

Ça fait longtemps qu’on sait que les résidents des CHSLD sont traités comme des citoyens de second ordre. Ça aurait dû être en haut de la liste de nos priorités. Tout en haut.

Mais non. Nos gros débats de société tournaient autour des pitbulls, des toilettes pour transgenre­s, d’un pseudo « racisme systémique » qui n’existait pas et de l’écriture inclusive (faut-il dire auteure ou autrice ?).

Hier, Le Journal a publié un dossier sur ce qui devrait changer au Québec une fois cette crise passée.

Eh bien, voici ce qui, je l’espère, va changer du tout au tout : la liste de nos priorités.

On reconnaît la valeur d’une société à la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérable­s. Ses malades. Ses handicapés. Ses aînés.

Je l’ai déjà dit et je le redis : nous nous sommes mobilisés comme jamais pour faire déboucher le dossier épineux de l’aide médicale à mourir. « Mourir dans la dignité », comme on disait. Et c’est tout en notre honneur.

Mais qu’avons-nous fait pour nous assurer que nos aînés puissent vivre dans la dignité ?

Aujourd’hui, j’ai honte. Pour nous tous.

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