CATASTROPHE REDOUTÉE
Le continent manque de tout face au virus : hôpitaux, équipements, argent et espaces de confinement
Personne ne sait vraiment encore ce que la pandémie de COVID-19 réserve à l’afrique, mais les organisations humanitaires redoutent une véritable catastrophe sanitaire.
Pour l’instant, la pandémie aurait fait peu de ravages dans le continent, si on en croit les statistiques officielles.
La semaine passée, le nombre total de cas recensés pour toute l’afrique, qui compte 1,3 milliard d’habitants, était à peu près le même que pour le Québec.
« Je pense que ces chiffres sont à prendre avec des pincettes », mentionne la Dre Joanne Liu, ancienne présidente de Médecins sans frontières, aujourd’hui urgentiste au CHU Sainte-justine.
« Il n’y a pas tellement de tests qui se font en Afrique », ajoute-t-elle
C’est surtout le nombre de morts et de patients en détresse respiratoire qui permettra de se faire une idée dans les prochaines semaines.
AUGMENTATION EXPONENTIELLE
Et à l’image de ce qui s’est passé en Chine, en Europe et en Amérique du Nord, l’augmentation risque d’être exponentielle.
« Pour nous, c’est vraiment une situation extrêmement préoccupante, soutient Patrick Robitaille, directeur de programmes chez Médecins sans frontières au Canada. Ça va être un désastre. »
Même les pays les plus riches du monde peinent à se procurer suffisamment de masques et de respirateurs, souligne-til. « Ce sont des endroits où les systèmes de santé ne seront pas capables de fournir. »
Le Comité international de la CroixRouge a les mêmes craintes.
« Que va-t-il se passer dans les pays qui manquent d’infrastructures sanitaires de base, comme ceux où nous travaillons en Afrique et qui sont affectés par les conflits armés et la violence ? » s’interroge la porte-parole Aurélie Lachant, jointe à Genève, en Suisse.
Dans le nord du Mali, la guerre a détruit 93 % des infrastructures de santé, illustret-elle. Pour l’instant, le pays ne compte que quelques dizaines de cas, mais la transmission locale a commencé.
Si la pandémie atteint le nord, aucune chambre à pression négative ni aucun ventilateur ne seront disponibles pour soigner les malades.
LES UNS SUR LES AUTRES
Et pour prévenir les infections, la distanciation sociale devient vite très théorique dans les camps de réfugiés et les grandes villes rongées par la pauvreté.
« Il y a peu d’infrastructures, peu de toilettes, les gens vivent collés les uns aux autres », décrit Patrick Robitaille.
Une grande partie des Africains ont peu d’options pour s’isoler, mais surtout pour se nourrir, s’ils cessent de travailler.
« Les mesures de confinement mises en place en Occident sont difficilement applicables dans la plupart des pays d’afrique », affirme Marie Fall, professeure en géographie et coopération internationale à l’université du Québec à Chicoutimi.
Elle donne l’exemple de son pays d’origine, le Sénégal.
La nation n’a instauré jusqu’à maintenant qu’un simple couvre-feu, de 20 h à 6 h.
« Là-bas, il n’y a pas de chèque, pas d’allocations d’urgence, dit la professeure. Les gens doivent vaquer à leurs occupations. »
POPULATION PLUS JEUNE
Mais l’afrique a aussi des atouts pour mieux résister à la COVID-19.
D’abord, sa population est très jeune, note Marie Fall, qui se montre plus optimiste que les organisations humanitaires.
« Dans plusieurs pays, les moins de 25 ans représentent plus de 60 % de la population », souligne-t-elle.
Moins d’aînés, c’est moins de victimes qui auront besoin de soins intensifs et moins de morts.
Ensuite, l’afrique a déjà vu défiler son lot de calamités infectieuses, dont l’épouvantable épidémie d’ebola ayant frappé l’afrique de l’ouest en 2014, indique Patrick Robitaille.
« À la Sierra Leone, la réponse a été plus rapide qu’en Europe grâce à cette habitude », relate-t-il.