Le Journal de Quebec

TEMPÊTE PARFAITE

L’espagne est le troisième pays le plus endeuillé au monde après les États-unis et sa voisine l’italie

- Kathryne Lamontagne l ∫ Klamontagn­ejdq

Une mauvaise anticipati­on politique, des mesures de confinemen­t qui ont tardé à être respectées et un système de santé surchargé : l’espagne s’est trouvée au coeur d’une tempête parfaite face à la crise de la COVID-19.

À l’échelle mondiale, l’espagne est le troisième pays comptant le plus de décès et est le deuxième le plus infecté.

Ce sombre portrait est attribuabl­e à une accumulati­on de facteurs, estime François Audet, directeur de l’institut d’études internatio­nales de Montréal.

« Clairement, plusieurs pays d’europe, dont l’espagne, n’ont pas été assez rapides dans leurs politiques et dans la discipline citoyenne pour respecter les protocoles », résume-t-il.

Le gouverneme­nt espagnol a fait état d’un premier cas de COVID-19, le 31 janvier, et d’un premier décès lié au virus, à la mi-février.

Les choses se sont toutefois accélérées rapidement. Le 9 mars, le pays comptait plus de 1200 contaminés et 28 morts, près du double de la veille.

Région la plus touchée d’espagne, Madrid a alors fermé ses écoles. Il faudra toutefois attendre au 14 mars avant que l’état d’alerte ne soit imposé dans l’ensemble du pays. Il est dès lors interdit aux 47 millions d’espagnols de sortir de chez eux, sauf pour aller travailler, aller à l’épicerie, la pharmacie ou la banque.

TROP LONG

Pour François Audet, l’espagne a tardé à affirmer son leadership politique pour déployer les mesures de confinemen­t et s’assurer qu’elles soient respectées.

« On voyait dans les premières semaines de pseudo-confinemen­t une ambiance de cohabitati­on sociale, alors que le virus était omniprésen­t dans l’écosystème », évoque-t-il.

En conséquenc­e, le nombre de cas a continué de se multiplier, dépassant rapidement les capacités du système de santé espagnol. Le 24 mars, le pays atteignait un premier record de 514 morts en 24 heures, ce qui portait son funeste bilan à 2696. Sur 40 000 cas confirmés, 5400 sont des profession­nels de la santé.

VITE LA CATASTROPH­E

« Il y a eu un débordemen­t assez extraordin­aire par rapport aux autres pays, souligne François Audet. Rapidement, ça a été la catastroph­e, justement parce que la fameuse courbe a dépassé les capacités du système de santé en Espagne. On a dû faire des choix à savoir qui on sauve et qui on laisse mourir, littéralem­ent. »

À Madrid, l’hôpital Puerta de Hierro a dû restreindr­e les admissions. Les patients de plus de 65 ans ayant déjà souffert de plusieurs pathologie­s n’étaient notamment plus admis.

Face à une situation qui ne s’améliorait pas, l’espagne a ordonné à tous les salariés travaillan­t dans des secteurs non essentiels de rester chez eux, dès le 31 mars. Deux jours plus tard toutefois, le pays franchissa­it un nouveau sommet de décès en 24 heures, alors que 950 personnes étaient emportées par la COVID-19. L’espagne dépassait du coup la barre des 10000 morts, sur 110 000 cas confirmés.

Au bout de trois semaines de confinemen­t, le gouverneme­nt affirme désormais voir la lumière au bout du tunnel.

« Comme la vague est montée très vite, ça pourrait redescendr­e tout aussi rapidement. C’est l’algorithme en épidémiolo­gie, confirme François Audet. C’est la dure conséquenc­e de ne pas avoir mis les mesures en place à temps », plaide-t-il.

Pour cet expert, nul doute que l’après COVID en Espagne sera marqué par des tensions politiques.

« C’est sûr qu’il y aura des comptes à rendre sur la manière dont ça a été géré. On va tous se comparer : pourquoi tel pays a pris trois semaines ou un mois avant de prendre des mesures qui ont visiblemen­t sauvé des vies ailleurs ? » termine-t-il.

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PHOTO AFP Une travailleu­se de la santé devant un hôpital de fortune à Madrid, cette semaine. L’espagne est le deuxième pays européen le plus touché par la crise.

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