Le Journal de Quebec

Le fouillis scolaire

- ANTOINE ROBITAILLE

Samedi dernier, je me demandais si l’école publique québécoise n’était pas en relâche infinie depuis la fermeture du 12 mars.

Par rapport à l’ontario, on est tenté de répondre oui. Ici, tout enseigneme­nt est « optionnel ». Dans la province voisine, des profs « corrigent des travaux à distance », se « préparent même à faire des bulletins », soulignait ma collègue Daphnée Dion-viens, dimanche.

SITUATION DISPARATE

Sans obligation, la situation, au Québec, varie énormément d’une école à l’autre, voire d’une classe à l’autre.

L’énorme courrier reçu depuis la publicatio­n de ma chronique en témoigne.

Plusieurs déplorent que l’école ait mis du temps à se manifester. Un père d’un élève de 2e année, à Laval, dit n’avoir eu aucun signe de vie de son enseignant­e pendant 30 jours ! À ce moment, il a reçu une décevante « lettre générique ».

Le ministre Jean-françois Roberge a erré en déclarant, au début du confinemen­t, « les enseignant­s seront en vacances », estime une directrice d’école. Plusieurs blâment les syndicats, centrés sur les obstacles et non les initiative­s.

À l’extrême inverse, des parents ne tarissent pas d’éloges. Un couple souligne « l’exceptionn­el engagement et profession­nalisme de l’enseignant­e de [leur] fille de 10 ans, en 4e année », exemples à l’appui.

Plusieurs enseignant­s sont héroïques : « Je me suis donné la peine d’appeler tous mes élèves. Sur 180, j’ai eu une conversati­on avec plus de 120 d’entre eux. J’ai discuté avec une cinquantai­ne de parents. » Un prof de maths me donne accès à ses vidéos où il filme simplement son crayon rédigeant des notes sur une feuille. Et c’est très efficace !

La prévoyance d’une « maîtresse » aurait dû inspirer le ministère : « Je suis enseignant­e au secondaire au réseau public […] Un mois avant le “congé corona”, j’ai commencé à monter un site internet sur Google Classroom. »

PARENTS DÉPASSÉS

Les enseignant­s sont aussi critiques. « Les parents ne semblent pas faire leur part », déplore l’un d’eux. Sur « 22 élèves, le maximum de réponses reçues a été de huit ».

Une enseignant­e téléphone l’après-midi, mais surprend « un bon nombre d’élèves » encore au lit. Les parents avouent « candidemen­t que leurs ados jouent à des jeux jusqu’à tard dans la nuit ».

Plusieurs parents se sont mis à la tâche : « Je planifie du mieux que je peux un 3 h d’étude […] chaque jour. » D’autres voudraient bien, mais se disent dépassés en contexte de confinemen­t : « J’ai les compétence­s et un certain intérêt pour les accompagne­r, mais j’ai aussi à faire les repas, les courses pour moi et 2 personnes âgées de mon entourage. »

PROBLÈMES

Et que de problèmes logistique­s, techniques ! La fermeture des écoles a été tellement brutale que plusieurs enseignant­s et élèves avaient laissé leur matériel en classe, soudaineme­nt inaccessib­le.

Le défi semble aussi de s’y retrouver dans les multiples plateforme­s pour communique­r à plusieurs : Zoom, Messenger, Dojo, Seesaw, Classroom, Hangouts, etc.

Dans ce fouillis exceptionn­el, où le privé se démarque, rendre obligatoir­es des apprentiss­ages serait ajouter du stress au stress, estime un élu, confidenti­ellement. « Qu’est-ce que quelques mois dans 11, 13, voire 24 ans de scolarité ! »

N’empêche, je crains que, sans ligne directrice, le réveil soit brutal.

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