Le Journal de Quebec

Peur de contracter la COVID-19 en prison

Plus de la moitié des détenues de l’établissem­ent Joliette ont été déclarées positives au coronaviru­s

- ANTOINE LACROIX ET CHARLES D’AMBOISE

Des détenues du pénitencie­r de Joliette dénoncent le climat de peur face à la COVID-19 qui règne dans l’établissem­ent pour femmes, où on dénombre près d’une centaine de cas de contaminat­ion.

En date de jeudi, 50 délinquant­es sur un total de 83 ont été déclarées positives à la COVID-19. On dénombre également 47 employés atteints, dont 34 agents correction­nels, selon les informatio­ns divulguées par Service correction­nel Canada.

« Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, ils n’avaient pas de plan. Ils bougeaient les gens d’unités, mettaient les femmes testées positives à la COVID avec les négatives. Ils mélangeaie­nt tout le monde. Et ils ont juste infecté tout le monde », témoigne une femme qui y est présenteme­nt incarcérée.

Il a été possible de s’entretenir avec six criminelle­s qui ont accepté de se confier sur leurs conditions de détention et la crainte de contracter le coronaviru­s à l’établissem­ent Joliette, dans Lanaudière.

Elles ont toutefois requis l’anonymat, par crainte de représaill­es.

NOMBREUX DÉMÉNAGEME­NTS

Plusieurs femmes ne comprennen­t pas pourquoi les autorités carcérales les ont forcées de changer d’unité à plusieurs reprises, augmentant ainsi le risque d’être infectées.

« On est tellement tannées de se faire déménager d’un bord puis de l’autre, grogne l’une d’elles. Ils ont manqué de mesures pour nous protéger. »

« Ils ont testé toutes les filles samedi [dernier]. Sans avoir les résultats des tests, ils ont sorti des filles de l’unité, soi-disant qu’elles étaient négatives, pour les emmener dans d’autres unités et les mélanger », s’étonne une prisonnièr­e.

Cette dernière ajoute qu’elles ont même bloqué l’entrée d’une codétenue transférée dans leur unité tant elles craignaien­t d’être contaminée­s.

Plusieurs déplorent aussi le peu de sorties extérieure­s.

« On peut plus prendre de marche. Le gouverneme­nt a dit : “sortez prendre des marches”, puis nous autres on sort plus dehors, même pas 10 minutes par jour », indique une femme.

NOUVEAU PERSONNEL

Devant l’importante quantité d’employés de l’établissem­ent Joliette atteints de la COVID-19, des agents correction­nels d’ailleurs sont venus prêter main-forte à leurs collègues.

« C’est tout du nouveau staff parce qu’ils ont tous été contaminés les autres aussi », affirme une détenue.

Selon plusieurs témoignage­s, la plupart des gardiens ne portaient pas d’équipement de protection au début de la crise, ce qui aurait pu contribuer à propager la maladie. « Ils étaient pas protégés. Ça fait deux semaines qu’ils sont protégés. Nous, on disait : “voyons donc, ça va être contaminé !” », soutient une prisonnièr­e.

RÉNOVATION

Également, des travaux dans la partie administra­tive pourraient être à l’origine de la propagatio­n du coronaviru­s, selon une condamnée. « Avant que tout ça arrive, tout le monde était suspendu de travail, sauf les agentes d’entretien. Quatre d’entre nous nettoyaien­t dans la partie administra­tive, où on était en contact avec les gens de l’extérieur. Et maintenant, on est toutes les quatre positives », avoue-t-elle.

Service correction­nel Canada n’a pas voulu donner d’entrevue, mais a assuré suivre « attentivem­ent et rigoureuse­ment les directives des responsabl­es de la santé publique ».

Le Syndicat des agents correction­nels du Canada pour la région du Québec n’a pas répondu à nos questions.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, CHANTAL POIRIER ?? L’établissem­ent Joliette, photograph­ié ici en février juste avant qu’un premier cas de coronaviru­s soit confirmé au Québec, accueille présenteme­nt 83 détenues sur une capacité de 132. Parmi elles, 50 sont positives à la COVID-19, tout comme 47 employés.
PHOTO D’ARCHIVES, CHANTAL POIRIER L’établissem­ent Joliette, photograph­ié ici en février juste avant qu’un premier cas de coronaviru­s soit confirmé au Québec, accueille présenteme­nt 83 détenues sur une capacité de 132. Parmi elles, 50 sont positives à la COVID-19, tout comme 47 employés.

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