Le Journal de Quebec

Ballon de plage pour Legault

- REMI NADEAU Chef du Bureau parlemment­aire à Qiuébec

En déclarant à la radio mercredi : « Ça peut peut-être faire plaisir de penser qu’un neurochiru­rgien va aller laver le plancher au CHSLD », la présidente de la Fédération des médecins spécialist­es a lancé un ballon de plage que ne pouvait rater un frappeur émérite comme François Legault. Le premier ministre n’a pas raté la cible…

Le commentair­e mal avisé de Diane Francoeur a donné une bouffée d’oxygène au premier ministre, de plus en plus sur le gril.

Depuis qu’a éclaté le scandale du CHSLD privé Herron, la pression a monté sur le gouverneme­nt. Chaque jour s’est effrité un peu l’immense capital de sympathie emmagasiné par le premier ministre.

Avec raison, le gouverneme­nt a concentré ses énergies à préparer le milieu hospitalie­r pour une vague de malades en tout début de crise.

Mais les récits d’horreur dans les CHSLD se sont succédé, soulevant une autre vague. Une onde de questionne­ments à l’endroit du gouverneme­nt. Comment se fait-il qu’on n’ait pas prévu le coup ?

La ministre responsabl­e des Aînés, Marguerite Blais, a paru dépassée par les événements, et le gouverneme­nt a senti la soupe devenir très chaude.

LES MÊMES HORREURS

En voyant les photos de pauvres aînés laissés endormis sur leurs plateaux de nourriture, publiées cette semaine par Le Journal, j’ai repensé aux rapports d’inspection des CHSLD qui révélaient ce type de conditions indécentes il y a près de 10 ans.

Par exemple, en 2011, on faisait état de « repas désorganis­és », de « mépris » et « d’odeurs désagréabl­es et persistant­es » au pavillon AlfredDesr­ochers à Montréal, et ce, même si l’établissem­ent avait été averti de la visite des enquêteurs 24 heures à l’avance !

Est-ce un hasard, l’établissem­ent fait partie du peloton des CHSLD critiques en ces temps de pandémie, avec près de la moitié des bénéficiai­res infectés.

À l’époque, quelqu’un, scandalisé, réclamait que des têtes roulent.

« Lorsqu’un centre ne donne pas les services de base aux personnes âgées, le directeur général doit perdre son emploi », avait déclaré… François Legault.

Questionné sur l’imputabili­té jeudi, il a répondu : « Là, la priorité ce n’est pas de trouver des coupables, c’est de donner des soins. »

LAVAGE DE PLANCHER

Ironiqueme­nt, donc, le commentair­e mal avisé de Diane Francoeur a donné une bouffée d’oxygène au premier ministre, de plus en plus sur le gril.

Il lui a permis de détourner momentaném­ent la chaleur vers une cible facile, les médecins spécialist­es. La gang à 400 000 $ par année, multirécid­ivistes collecteur­s de primes. Surtout qu’ils venaient de se négocier un taux de 211 $ de l’heure pour leur travail en lien avec la COVID-19, qui a fait les manchettes. Finalement, leur rémunérati­on pour le travail en CHSLD reste à négocier.

Après le SOS lancé par François Legault en point de presse, Diane Francoeur soutenait avoir appris à ce moment seulement qu’on leur demandait de laver et nourrir des bénéficiai­res. Pourtant, elle aurait affiché une fin de non-recevoir en coulisses.

« Ils ne voulaient que remplacer les médecins omnis dans les CHSLD. Sa déclaratio­n mercredi matin sur le lavage de plancher l’a trahie », résume une source gouverneme­ntale.

À la FMSQ, on maintient qu’il n’avait pas été question auparavant de leur faire accomplir des tâches de préposés. Enfin, ils ont été nombreux, plus de 2000, à signaler depuis leur intention de prêter main-forte.

Pour François Legault, le gain est double. Cette main-d’oeuvre qualifiée entrera dans les CHSLD sans délai et aidera à juguler la crise. Puis, politiquem­ent, il a joué le beau rôle en implorant les spécialist­es de descendre de leur tour d’ivoire.

Il les a remerciés chaleureus­ement vendredi, pour finir la semaine, en plus de prendre le blâme pour ne pas avoir augmenté les salaires des préposés avant la négociatio­n du secteur public.

LA SUITE

Mais dès l’après-crise, il faudra sortir le chéquier pour encore mieux payer les préposés et établir des ratios raisonnabl­es de patients par membre du personnel.

Ça coûtera cher, mais, dans sa défense des maternelle­s 4 ans, il n’y avait pas de limite d’argent. « C’est le meilleur investisse­ment qu’on puisse faire », disait François Legault, malgré l’explosion des coûts.

Sera-t-il aussi « têtu » pour le bien des aînés ?

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