Le Journal de Quebec

Un mea culpa en partie stratégiqu­e

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Il faut généraleme­nt se méfier des aveux, des confession­s, surtout de la part de politicien­s ou d’écrivains.

« Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai », tranchait un jour Paul Valéry.

Le mea culpa de François Legault, hier, semblait toutefois empreint de sincérité.

Imaginons-nous à sa place, aux prises avec cet incendie immaîtrisé de contagion à la COVID-19 dans les résidences pour personnes âgées. Les morts qui s’additionne­nt. La situation est tragique.

Lorsqu’il s’avoue torturé — « Qu’estce que j’aurais dû faire autrement [...] depuis un an et demi que je suis premier ministre? » —, comment ne pas le croire?

CONTRASTE

Une autre déclaratio­n fit mouche : « J’en prends l’entière responsabi­lité. On est rentrés dans cette crise mal équipés. »

Quel contraste avec tant d’autres politicien­s qui refusent d’admettre quelque erreur ! Donald Trump en est une caricature, lui qui ne se dit responsabl­e d’aucune difficulté dans la gestion de la pandémie aux États-unis.

CONTRITION

Les excuses, les aveux, aujourd’hui, sont pourtant courants, presque banals. Les conseiller­s en communicat­ion les prescriven­t pour projeter une image humaine, faillible.

Le fils Trudeau incarne cette tendance à fond. Pensons au marathon de contrition qu’il s’est infligé après les révélation­s sur sa passion juvénile pour la pratique du blackface.

Certains sont plus habiles que d’autres dans l’exercice. Le maire de Québec, Régis Labeaume, est passé maître dans l’art de présenter des excuses publiques crédibles.

Depuis son élection, François Legault se distingue. Au pouvoir depuis moins de 20 jours, il admettait déjà avoir négligé les changement­s climatique­s et promettait d’en faire plus.

SYNDICATS

Hier, son mea culpa se faisait dans un cadre plus grave, mais comportait tout de même des aspects stratégiqu­es.

Il visait le « faute avouée est à moitié pardonnée ». Comment a-t-on pu en arriver là au Québec, alors que chaque parti, depuis 2007 au moins, ne cesse de promettre de mieux traiter « ceux qui ont bâti le Québec » ?

Alors qu’un personnage, Marguerite Blais, a incarné cette préoccupat­ion sous Charest, et, aujourd’hui, sous Legault ? Ce dernier n’avait donc d’autre choix que de reconnaîtr­e un grave problème.

Une des causes centrales de celui-ci, la rémunérati­on famélique des préposés aux bénéficiai­res (PAB), a été de nombreuses fois soulevée depuis 2018.

Notamment par les députés Harold Lebel, Catherine Dorion et Monique Sauvé, qui demandaien­t tous au premier ministre d’agir par décret s’il le faut.

François Legault l’a donc admis hier. Tout en désignant subtilemen­t les syndicats comme coresponsa­bles.

Ceux-ci défendent toujours l’idée d’une augmentati­on de salaire similaire pour « tous les employés », a noté le premier ministre.

Or, le gouverneme­nt caquiste a promis de hausser davantage le salaire de certains corps d’emploi pour le « valoriser » : enseignant­s et PAB.

Depuis l’automne, les syndicats rejettent l’idée. En octobre, une négociatri­ce de la CSN pourfendai­t la volonté gouverneme­ntale, y voyant une « stratégie de division ». Elle demandait aux PAB de respecter la notion syndicale clé de « solidarité » en refusant de recevoir de meilleures hausses !

Certes, M. Legault aurait pu augmenter par décret les salaires. Cela aurait réglé en partie la carence en effectif.

Mais peut-être que certains syndicalis­tes aussi pourraient faire montre de contrition.

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« J’en prends l’entière responsabi­lité. On est rentrés dans cette crise mal équipés. » – François Legault

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