Un mea culpa en partie stratégique
Il faut généralement se méfier des aveux, des confessions, surtout de la part de politiciens ou d’écrivains.
« Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai », tranchait un jour Paul Valéry.
Le mea culpa de François Legault, hier, semblait toutefois empreint de sincérité.
Imaginons-nous à sa place, aux prises avec cet incendie immaîtrisé de contagion à la COVID-19 dans les résidences pour personnes âgées. Les morts qui s’additionnent. La situation est tragique.
Lorsqu’il s’avoue torturé — « Qu’estce que j’aurais dû faire autrement [...] depuis un an et demi que je suis premier ministre? » —, comment ne pas le croire?
CONTRASTE
Une autre déclaration fit mouche : « J’en prends l’entière responsabilité. On est rentrés dans cette crise mal équipés. »
Quel contraste avec tant d’autres politiciens qui refusent d’admettre quelque erreur ! Donald Trump en est une caricature, lui qui ne se dit responsable d’aucune difficulté dans la gestion de la pandémie aux États-unis.
CONTRITION
Les excuses, les aveux, aujourd’hui, sont pourtant courants, presque banals. Les conseillers en communication les prescrivent pour projeter une image humaine, faillible.
Le fils Trudeau incarne cette tendance à fond. Pensons au marathon de contrition qu’il s’est infligé après les révélations sur sa passion juvénile pour la pratique du blackface.
Certains sont plus habiles que d’autres dans l’exercice. Le maire de Québec, Régis Labeaume, est passé maître dans l’art de présenter des excuses publiques crédibles.
Depuis son élection, François Legault se distingue. Au pouvoir depuis moins de 20 jours, il admettait déjà avoir négligé les changements climatiques et promettait d’en faire plus.
SYNDICATS
Hier, son mea culpa se faisait dans un cadre plus grave, mais comportait tout de même des aspects stratégiques.
Il visait le « faute avouée est à moitié pardonnée ». Comment a-t-on pu en arriver là au Québec, alors que chaque parti, depuis 2007 au moins, ne cesse de promettre de mieux traiter « ceux qui ont bâti le Québec » ?
Alors qu’un personnage, Marguerite Blais, a incarné cette préoccupation sous Charest, et, aujourd’hui, sous Legault ? Ce dernier n’avait donc d’autre choix que de reconnaître un grave problème.
Une des causes centrales de celui-ci, la rémunération famélique des préposés aux bénéficiaires (PAB), a été de nombreuses fois soulevée depuis 2018.
Notamment par les députés Harold Lebel, Catherine Dorion et Monique Sauvé, qui demandaient tous au premier ministre d’agir par décret s’il le faut.
François Legault l’a donc admis hier. Tout en désignant subtilement les syndicats comme coresponsables.
Ceux-ci défendent toujours l’idée d’une augmentation de salaire similaire pour « tous les employés », a noté le premier ministre.
Or, le gouvernement caquiste a promis de hausser davantage le salaire de certains corps d’emploi pour le « valoriser » : enseignants et PAB.
Depuis l’automne, les syndicats rejettent l’idée. En octobre, une négociatrice de la CSN pourfendait la volonté gouvernementale, y voyant une « stratégie de division ». Elle demandait aux PAB de respecter la notion syndicale clé de « solidarité » en refusant de recevoir de meilleures hausses !
Certes, M. Legault aurait pu augmenter par décret les salaires. Cela aurait réglé en partie la carence en effectif.
Mais peut-être que certains syndicalistes aussi pourraient faire montre de contrition.