Le mystérieux labo chinois
Les Américains soupçonnent cet établissement de Wuhan d’être à l’origine du virus
WUHAN | (AFP) Au sommet d’une colline à Wuhan, un laboratoire de virologie conçu avec l’aide de la France nourrit les soupçons américains sur l’origine de la COVID-19, apparu dans cette métropole du centre de la Chine.
Selon la plupart des scientifiques, le nouveau coronavirus a probablement été transmis à l’homme depuis un animal. Un marché de la ville a été incriminé, car il aurait vendu des animaux sauvages vivants.
Mais l’existence à quelques kilomètres de là d’un Institut de virologie alimente depuis des mois les hypothèses d’une fuite du SARS-COV-2 depuis ces installations sensibles.
QUEL EST CE SITE ?
Selon le quotidien Washington Post, l’ambassade des États-unis à Pékin, après plusieurs visites à l’institut, a alerté en 2018 les autorités américaines sur des mesures de sécurité apparemment insuffisantes dans un laboratoire qui étudiait les coronavirus issus de chauves-souris.
La chaîne américaine Fox News, citant « plusieurs sources » anonymes, a incriminé le laboratoire P4 (pour pathogène de classe 4) du site. Il s’agit d’une installation de très haute sécurité, qui héberge les souches les plus dangereuses des virus connus – comme Ebola.
Ce lieu ultrasensible a été réalisé avec la collaboration de la France. Il permet de mener des recherches de pointe. Ambition: réagir plus rapidement à l’apparition de maladies infectieuses.
D’un coût d’environ 40 millions d’euros (61 M$ CA), le laboratoire a été financé par la Chine. Les chercheurs y travaillent en confinement absolu. Il existe moins d’une trentaine de P4 dans le monde, dont la moitié aux États-unis.
L’institut de virologie de Wuhan possède par ailleurs la plus grande collection de souches de virus en Asie, avec 1500 spécimens différents, selon son site internet.
Interrogé, l’institut a refusé de répondre aux questions de L’AFP.
L’AFP n’est donc pas en mesure de confirmer formellement que des coronavirus ont bien été étudiés avant l’épidémie dans ces laboratoires.
EST-CE LA SOURCE DU CORONAVIRUS ?
Le Washington Post et Fox News citent des sources anonymes. Ces dernières font part de leur inquiétude quant à une potentielle fuite accidentelle du virus.
Selon la chaîne de télévision, le « patient zéro » à l’origine de l’épidémie pourrait être un employé de l’institut, contaminé, qui aurait ensuite diffusé sans le vouloir l’agent pathogène ailleurs à Wuhan.
Interrogé sur cette hypothèse, le président américain Donald Trump a déclaré entendre « de plus en plus cette histoire ». D’après lui, elle fait actuellement l’objet d’un « examen très approfondi » de Washington.
Selon Mike Pompeo, interviewé hier, quand l’épidémie a commencé à se propager en Chine, les autorités locales « se sont demandées si l’institut de virologie était son lieu d’origine ».
Plusieurs théories, plus ou moins exubérantes, ont fleuri ces derniers mois sur internet pour incriminer ce laboratoire.
L’institut avait publié en février un communiqué démentant les premières rumeurs.
QUE DISENT LES SCIENTIFIQUES ?
De l’avis de nombreux chercheurs, le nouveau coronavirus est sans doute né chez la chauve-souris. Ils pensent toutefois qu’il est passé par une autre espèce avant de se transmettre à l’homme.
Des scientifiques chinois ont affirmé que cet animal intermédiaire pourrait être le pangolin, petit mammifère menacé d’extinction, car exploité en raison de ses écailles.
Seulement voilà : des études publiées par d’autres chercheurs chinois dans des revues scientifiques réputées affirment que le premier patient connu n’a pas fréquenté le marché de Wuhan incriminé.
« L’origine de l’épidémie est toujours une question en suspens », déclare Filippa Lentzos, chercheuse en biosécurité au King’s College de Londres.
Rien ne vient accréditer l’hypothèse d’une fuite de virus depuis un laboratoire et il n’existe « aucune vraie preuve » que le nouveau coronavirus provienne bien du marché de Wuhan, souligne-t-elle.