Le Québec doit devenir plus autonome pour les médicaments
Les matières premières dont ont besoin les fabricants d’ici proviennent majoritairement d’asie
« ON A UNE SITUATION OÙ ON EST À MÊME DE COMPRENDRE L’IMPORTANCE STRATÉGIQUE D’AVOIR UNE INDUSTRIE DU MÉDICAMENT FORTE LOCALEMENT. » – Louis Pilon, PDG de JAMP Pharma
La pandémie compliquera l’approvisionnement en médicaments pendant des mois. La crise doit nous inciter à devenir plus autonomes, plaident les fabricants québécois de génériques.
Laboratoire Riva, de Blainville, a fait passer sa production hebdomadaire d’acétaminophène de 10 à 30 millions de comprimés afin de répondre aux besoins pressants des personnes atteintes de la COVID-19, qui souffrent souvent de fièvre.
« On était assis sur six mois de production et on a tout vendu en deux semaines », lance au Journal le PDG de Riva, Olivier St-denis.
« On a vraiment appuyé à fond sur l’accélérateur, ajoute-t-il. L’acétaminophène, c’est mon produit le moins rentable, mais comme il est très utile à la population en ce moment, on s’est adaptés. »
Avec la hausse de la demande pour plusieurs médicaments utilisés dans le traitement des symptômes de la COVID-19, les ventes de l’entreprise pourraient croître de plus de 30 % en 2020. Les profits risquent cependant de ne pas suivre, puisque le prix des matières premières a bondi.
LES COÛTS EXPLOSENT
« Quand j’ai de la matière à faire rentrer, le transport me coûte deux, trois fois plus cher que d’habitude, dit M. St-denis. Je n’essaie même pas de négocier. Juste de trouver un vol pour faire décoller le produit, c’est un défi. On absorbe les coûts. Il y a une course mondiale en ce moment, c’est un peu comme pour l’équipement de protection. »
Le chef de l’exploitation de Pharmascience, Jean-guy Goulet, souligne que la plupart des matières premières proviennent de l’inde et de la Chine.
Pour l’instant, les fabricants québécois de médicaments génériques prévoient avoir assez de stocks de matières premières pour au moins trois ou quatre mois.
M. Goulet prévient toutefois que les défis d’approvisionnement vont durer « au cours des prochains mois ».
Une bonne partie des médicaments génériques consommés au Québec est déjà fabriquée ici. Mais pour disposer d’une plus grande autonomie, il faut songer à rapatrier ici la production de certaines matières premières, soutient Louis Pilon, PDG de JAMP Pharma.
« Comme société, ça nous prend une politique de sécurité alimentaire, mais ça nous prend la même chose en ce qui concerne le médicament », fait-il valoir.
PRIX COUPÉS
Il y a deux semaines, le premier ministre François Legault a dit vouloir accroître l’autonomie du Québec pour les biens essentiels, y compris les médicaments. Une annonce à cet effet est prévue la semaine prochaine, a confié hier au Journal le ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon.
Selon M. Pilon, le Québec ne s’est pas aidé en imitant d’autres provinces et en sabrant le prix des génériques, ces dernières années.
« Il y a eu une grande partie de la production qui s’est déplacée vers des pays à plus faible coût et ça a créé une dépendance à leur endroit, déplore-t-il. [...] Chaque gouvernement veut privilégier l’approvisionnement pour sa propre population. »
« C’est toujours le moins cher qui l’emporte, donc c’est souvent des multinationales ou des entreprises qui ne fabriquent pas nécessairement ici qui gagnent les appels d’offres publics au Québec », note Olivier St-denis.
Le mois dernier, JAMP a fait don aux hôpitaux canadiens d’un million de doses d’hydroxychloroquine, un médicament utilisé à titre expérimental contre la COVID-19.
« Si on avait décidé de vendre ces produits-là à l’international, on aurait pu faire des millions de dollars, raconte Louis Pilon. Des pays du Moyen-orient nous ont contactés et ils étaient prêts à payer des prix astronomiques. »