FELIPE ALOU SE CONSIDÈRE CHANCEUX MALGRÉ TOUT « Je n’ai pas eu à subir d’opérations cette année!
Coup de fil à Felipe Alou. L’ancien gérant des Expos est confiné à sa résidence de Floride avec son épouse Lucie et leur fille Valérie. La pêche lui manque, mais il ne se plaint pas. « Je n’ai pas eu à subir d’opérations cette année ! » lance-t-il en riant.
Sa voix est bonne et sa mémoire intacte. C’est physiquement que c’est plus dur. Lors de la série de deux matchs entre les Blue Jays de Toronto et les Cardinals de Saint Louis au Stade olympique l’an dernier, Felipe se déplaçait avec une canne. Il relevait d’une intervention chirurgicale à un genou.
Il devait revenir à Montréal en mai pour une soirée célébrant le 50e anniversaire de fondation des Expos, mais il s’est retrouvé à nouveau à l’hôpital.
C’était plus sérieux cette fois.
Des examens de routine ont montré qu’il avait des artères sévèrement bloquées. Felipeneressentaitpasdesymptômes,mais il fallait y voir tout de suite. Une opération à coeur ouvert a dû être pratiquée.
« Je ne peux pas dire que je me sens à 100 % tous les jours », dit-il.
« C’est quand même dans la normalité des choses quand on approche 85 ans (il les aura le 12 mai). Je ne peux plus faire les choses que je faisais il y a 25 ans.
« Après que j’aie été opéré au coeur, les médecins m’ont suggéré de continuer à marcher avec une canne. Je ne l’utilise pas toujours, mais souvent quand même. Je m’y habitue. »
TOUJOURS À L’EMPLOI DES GIANTS
Felipe ne restait pas cloîtré chez lui pour autant. À titre de consultant pour les Giants de San Francisco, il assistait régulièrement aux matchs des Marlins de Miami pour bâtir des banques d’informations sur des joueurs des ligues majeures.
Il allait aussi à la pêche jusqu’à ce que les marinas et les plages de Boynton Beach ferment en raison de la COVID-19.
Alou trouvait le temps d’aller pêcher quand il dirigeait les Expos.
Quand ce n’était pas avec son regretté beau-père Charlie Gagnon ou bien le commentateur des machs des Expos Jacques Doucet, c’était avec Guy Pagé, ancien chroniqueur de pêche du Journal de Montréal.
« Nous étions de très bons amis », indique-t-il.
« Il est malheureusement décédé, mais c’est la vie. Nous allons tous mourir un jour. »
SECONDE NATURE
Felipe va à la pêche depuis toujours. Dans son pays natal, la République dominicaine, les jeunes apprennent à pêcher quand ils commencent à marcher. Le baseball suit après.
Alou avait 21 ans en 1956 lorsqu’il a fait ses débuts dans le réseau des club-écoles des Giants de New York, qui l’avaient embauché comme joueur autonome.
Deux ans plus tard, il faisait partie de la première édition des Giants de San Francisco, qui comptait dans ses rangs un dénommé Willie Mays.
« J’ai gardé contact avec plusieurs joueurs de cette équipe durant plusieurs années, mais il n’en reste plus que quatre ou cinq aujourd’hui », déplore-t-il encore.
En 1972, il a vécu la première grève des joueurs alors qu’il évoluait avec les Yankees de New York. Et on se souviendra toujours qu’il dirigeait les Expos lorsqu’une autre grève des joueurs est venue anéantir les
espoirs des amateurs d’assister à une première Série mondiale à Montréal, en 1994.
CONTEXTE DIFFÉRENT
Jusque-là, la classique automnale n’avait jamais été annulée malgré les guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945 et les sept premiers conflits de travail entre les joueurs et les propriétaires.
« Plusieurs personnes me parlent de 1994 par les temps qui courent », raconte-t-il.
« Je suis content de ne plus porter l’uniforme. Le baseball est un métier pour les joueurs et les entraîneurs. Au moment où on se parle, ils ignorent s’ils vont travailler cette année. Il n’y a aucune certitude qu’ils pourront le faire l’an prochain non plus.
« Le contexte n’a rien à voir avec celui qu’on a vécu en 1994. On ne connaît pas l’ennemi contre qui on se bat. La solution n’est pas entre les mains du baseball, mais entre celles de Dieu, de la nature et des scientifiques qui cherchent un antidote pour contrer cette maladie. »
QUE RÉSERVE L’AVENIR ?
Un tout petit microbe ayant la force de destruction d’une arme nucléaire démolit la planète. Les gens meurent par milliers et l’économie bat de l’aile. L’industrie du sport n’y échappe pas. « Notre fille Valérie, une avocate de formation qui oeuvre dans le secteur des opérations baseball chez les Giants, est à la maison avec nous », souligne Alou.
Son fils Luis Rojas, qui a été promu gérant des Mets de New York dans des circonstances particulières en janvier dernier, se demande s’il sera à son poste l’an prochain.
Rappelons qu’il a succédé à Carlos Beltran, contraint de quitter son poste dans la foulée du scandale des vols de signaux par les Astros de Houston, en 2017.
Beltran avait été embauché pas plus tard que le 1er novembre dernier.
Il sera intéressant de voir, d’ailleurs, comment les Astros s’en sortiront quand le baseball reprendra ses droits. Plusieurs joueurs se juraient d’avoir leur tête quand l’histoire a éclaté.
Mais aujourd’hui, tout ça paraît d’une grande insignifiance.