Elle n’est plus…
Dimanche, 21 h 15. Le téléphone a sonné. Elle n’a pas répondu, elle écoutait un film, Zero Dark Thirty, pour être précise. Un doute s’est éveillé dans son esprit. Elle s’est alors précipitée au second appel quelques minutes plus tard.
« Elle n’est plus. » Trois mots. Aucun préambule. Aucun contexte ni présentation.
Voilà comment elle a appris le décès de sa mère. Sa mère qui, elle l’apprendra plus tard, était à l’agonie, seule dans sa chambre de CHSLD depuis l’heure du midi.
Cette femme qui a passé les dernières heures de sa vie sans le réconfort de ses filles, cette mère laissée à elle-même face à la mort, c’était la mienne.
Le personnel était débordé. Voilà pourquoi on ne s’est pas donné la peine de rejoindre la famille quand il était encore temps.
C’était le 6 juin 2013 ! Ça fait des années que, collectivement, nous tolérons l’intolérable.
LES FAUSSES RÉFORMES
Combien de débats avons-nous eus sur les conditions dans lesquelles nos personnes âgées, malades, finissent leurs jours ?
Il y a eu l’épisode des bains, puis celui de la nourriture, puis la maltraitance.
On a critiqué les compressions du gouvernement Couillard.
Le gouvernement Legault a réinvesti pour dorer la pilule.
Finalement, depuis près de 10 ans, on bouche les trous pour se donner bonne conscience. On a même osé appeler ces CHSLD des « milieux de vie ». Mais quelle vie ? Une fin de vie où la triste majorité se retrouve seule, dépendant d’inconnus sous-payés qui font leur possible.
À QUI LE MEA CULPA ?
Vendredi, François Legault a assumé la responsabilité de la crise qui fauche ces vies sans aucune dignité.
Or, ce n’est pas que le piètre salaire des préposés aux bénéficiaires qui a ouvert les portes de nos CHSLD à la COVID-19. C’est la promiscuité de ces centres de soins. C’est la vétusté des installations. Ce sont les dents non brossées, les ongles non coupés, les chutes et les repas sautés. Ce sont tous ces maux qu’on endure parce que, nous, on n’a pas le temps de s’en occuper.
Le Dr Horacio Arruda a plaidé que le Québec a deux courbes de COVID-19. La courbe de la population générale s’est aplanie, l’épidémie y est sous contrôle. C’est la courbe des CHSLD qui explose.
C’est tristement vrai. La responsabilité pour ce tragique constat, elle est collective. Ça fait des années qu’on tolère qu’il y ait deux classes de Québécois. Nous, et les aînés en perte d’autonomie.
Ça fait des années que, collectivement, nous tolérons l’intolérable