Elle a peur de le tuer
La preposee aux beneficiaires Carole Morin a beau prendre toutes les precautions pour ne pas infecter son marl handicap& elle en pleure cheque soir.
Une préposée aux bénéficiaires de la Montérégie pleure tous les soirs, car elle a peur de tuer son conjoint à la santé fragile en rapportant la COVID-19 à la maison.
« Elle ne vous le dira pas d’elle-même, mais elle pleure souvent parce qu’elle a peur de me tuer », déplore Paul Lupien, un homme handicapé de 61 ans.
Un petit silence imbibé de tristesse s’ensuit.
« Je pleure tous les soirs. Tous les jours », admet timidement sa conjointe, Carole Morin, assise deux mètres plus loin dans la même pièce.
La dame de 60 ans travaille comme préposée aux bénéficiaires à la Maison Dauphinelle, où il y a eu quelques cas de COVID-19.
Paul Lupien pour sa part souffre de myasthénie grave, une maladie neurodégénérative auto-immune qui le cloue à un fauteuil roulant. Grosso modo, son propre système immunitaire empêche ses neurones de bien fonctionner.
Il parvient à se lever parfois une minute ou deux, mais risque de faire court-circuiter son cerveau et de tomber à terre comme une guenille.
Le traitement passe notamment par la suppression de son système immunitaire chaque mois, qui est ensuite redémarré, ce qui le rend très fragile s’il attrape un virus.
PAS DE VACCIN NI D’ANTIBIOTIQUES
Par ailleurs, l’ancien chef cuisinier ne peut pas prendre une cinquantaine de médicaments et leurs dérivés, ce qui pourrait compliquer sa guérison, sans compter qu’il ne peut pas recevoir de vaccin ni d’antibiotiques.
« [Les personnes handicapées], on mérite d’être sauvées pareil. Moi je peux peut-être vivre encore vingt ans avec ma maladie », souligne-t-il dans l’entrevue réalisée lors d’un appel vidéo.
Le couple prend tous les moyens pour éviter la contamination. Mme Morin enlève ses vêtements dans l’entrée de la maison dès qu’elle revient du travail.
Elle met ses vêtements au lavage et va immédiatement sous la douche.
STRESSÉE ET FATIGUÉE
Le couple ne se touche jamais à l’intérieur de la maison et vit sans s’approcher l’un de l’autre. Ils mangent chacun à leur bout d’une grande table, et n’utilisent pas la même salle de bain.
Ils ne dorment pas ensemble non plus. Elle prend le lit tandis que lui dort sur un divan du salon.
La préposée travaille une cinquantaine d’heures par semaine, est fatiguée et stressée.
« Je vois de moins en moins mes proches et je suis de plus en plus au travail, laisset-elle tomber. Et j’ai toujours peur. »
Le couple ne peut pas se séparer temporairement non plus, car elle prépare les repas, entretient la maison, fait le lavage. Elle a toutefois arrêté de lui donner un deuxième bain par semaine pour ne pas risquer de le contaminer, le premier étant fourni par une auxiliaire qui vient au domicile une fois par semaine.
ÉQUIPEMENTS ET RESSOURCES
Paul Lupien, qui est impliqué dans des organismes de défense des droits des personnes handicapées, déplore qu’elles ne reçoivent pas suffisamment de matériel de la part du gouvernement, comme des masques pour pouvoir se protéger adéquatement à la maison.
« Personnellement, je me sens comme si le gouvernement avait décidé de sacrifier des gens, et il a décidé de sacrifier les personnes handicapées. On n’a pas grand-chose et on ne parle pas de nous », se désole-t-il.
Mme Morin affirme qu’elle serait prête à porter un masque à la maison, si c’est pour protéger son conjoint.
M. Lupien déplore par ailleurs que le salaire du personnel qui oeuvre dans le maintien à domicile ne soit qu’autour de 14 ou 15 $ de l’heure, ce qui n’est pas avantageux.