Le Journal de Quebec

« Loulou » peut enfin manger en paix !

Nos journalist­es vivent eux aussi toutes sortes de problèmes et de péripéties dans leur vie quotidienn­e. Ils nous livrent ici leurs témoignage­s personnels dans lesquels plusieurs de nos lecteurs se reconnaîtr­ont.

- TAÏEB MOALLA

En temps normal, ma petite fille prend tout son temps pour manger son déjeuner. Pour tout vous dire, sa mère et moi sommes souvent exaspérés, chaque matin, par sa lenteur.

Il a fallu que notre quotidien soit complèteme­nt chamboulé par ce terrible virus pour qu’une fille de deux ans et demi puisse manger à son rythme sans être grondée.

Loin d’être anecdotiqu­e, ceci illustre à quel point nos vies se résument souvent à une course effrénée vers plus de performanc­e et de profits.

Le travail — censé nous éloigner de l’ennui, du vice et du besoin, selon Voltaire — occupe tellement de place dans nos existences qu’il finit par nuire au bien-être des enfants que nous prétendons chérir.

Confinée depuis des semaines à la maison et privée de la compagnie de ses amis de la garderie, notre « Loulou » me donne parfois l’impression d’être plus heureuse. Non seulement elle mange désormais à son rythme, mais elle a le droit à des lectures de « P’tit Loup » à toutes les heures de la journée. Elle peut même jouer et danser avec ses parents quand bon lui semble, y compris pendant mes très sérieuses conférence­s téléphoniq­ues profession­nelles.

Loin de moi l’idée de minimiser les impacts dévastateu­rs de la COVID-19. Les morts se comptent déjà par dizaines de milliers à travers le monde. Pis encore, on n’en est peut-être qu’aux débuts d’un cauchemar aux allures de film de science-fiction.

AIDER SON PROCHAIN

Malgré les innombrabl­es catastroph­es qu’il cause, ce virus a au moins le mérite de nous permettre de revoir nos priorités. Et si la COVID-19 nous permettait enfin de revenir aux choses essentiell­es comme jouer avec nos enfants et prendre vraiment soin de nos proches ?

Ce virus devrait également nous pousser collective­ment à un brin de modestie. L’être humain, si confiant en sa présumée supériorit­é intellectu­elle et scientifiq­ue, se trouve aujourd’hui totalement au dépourvu.

Son ennemi est un vulgaire agent infectieux invisible à l’oeil nu. Sans verser dans l’ésotérisme, il y a là de quoi méditer longuement sur notre place dans l’univers.

Alors que les frontières se ferment et que l’économie mondiale semble s’écrouler sous nos yeux ébahis, essayons au moins de créer de petits espaces de solidarité­s locales. Pensons au voisin âgé qui ne peut plus sortir faire ses courses.

Aidons la mère monoparent­ale qui ne sait pas si elle pourra payer son prochain loyer. Soutenons le travailleu­r qui sera bientôt à court d’argent. Prenons des nouvelles de l’étudiant étranger esseulé.

Ça nous permettra (peut-être) de nous en sortir grandis.

 ?? PHOTO COURTOISIE ?? « Loulou » est en train de lire « P’tit Loup » en portant, comme d’habitude, des chaussures différente­s dans chaque pied.
PHOTO COURTOISIE « Loulou » est en train de lire « P’tit Loup » en portant, comme d’habitude, des chaussures différente­s dans chaque pied.

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