Les entrepreneurs en construction fin prêts à travailler
Ils admettent cependant que le prix des maisons risque de bondir avec les nouvelles mesures d’hygiène
Alors que s’ouvrent aujourd’hui certains chantiers résidentiels, l’industrie montre patte blanche pour prouver qu’elle est prête à resserrer ses normes sanitaires pour redémarrer la machine pour de bon.
« On n’avait pas l’habitude de mettre un lavabo comme ça, avec savon, mais la toilette chauffée était déjà obligatoire sur tous nos chantiers », lance Sébastien Maillette, directeur des ventes des Habitations Jutras, à Drummondville, avec un chiffre d’affaires de près de 23 millions $.
Depuis ce matin, Québec permet aux entreprises en construction de finir leurs unités résidentielles prévues pour le 31 juillet prochain, un privilège qui vient avec des devoirs en pleine crise sanitaire.
« On ne laissera pas aller des sous-traitants tout seuls sur le chantier, insiste Sébastien Maillette, qui a une trentaine d’unités en chantier. On pourrait en avoir un qui s’en fout et qui ne fait pas laver les mains de ses employés, alors, nous, on va envoyer des gens sur place pour regarder ça. »
Pour le président de la Csn-construction, Pierre Brassard, ces nouvelles règles d’hygiène sont l’affaire de tous. « Si on est empilé les uns par-dessus les autres pour faire les travaux, c’est là que l’on va risquer de faire une deuxième vague de propagation du virus. Il est là le danger », souligne-t-il.
Selon Pierre Brassard, la distanciation sociale risque d’être plus problématique dans les tours à condos ou les multilogements que dans les maisons unifamiliales. « Il y aura beaucoup de corps de métiers qui vont se côtoyer. Il y aura une coordination à faire, c’est certain », estime-t-il.
« Chaque tâche va prendre plus de temps. Les ouvrages vont être plus longs à réaliser pour limiter les infections », observe pour sa part le PDG de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ), Éric Côté.
Même si la reprise n’est pas totale, cette étape ravive l’espoir.
« C’est un gros vent d’optimisme, un soupir de soulagement pour les entrepreneurs, mais d’abord pour les clients. Il faut maintenant avoir une discussion franche avec eux pour établir de nouvelles dates de livraison », explique de son côté François Bernier, v.-p. principal Affaires publiques, l’association des professionnels de la construction de l’habitation du Québec (APCHQ).
COÛTS ENCORE INCERTAINS
Or, pour Jean-pierre Brun, professeur retraité de l’université Laval, qui a été titulaire une vingtaine d’années de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail dans les organisations (CGSST), ces nouvelles règles sanitaires coûteront cher.
« Ces mesures-là pourraient s’élever à plusieurs milliers de dollars par semaine de plus aux entreprises en construction. Ce n’est pas rien, a-t-il analysé. Les entrepreneurs vont refiler la facture aux clients, c’est normal ».
À L’APCHQ, on reconnaît que ces mesures auront bel et bien un impact sur les prix.
« On s’attend à ce que ça coûte plus cher, mais on ignore combien encore », précise son v.-p. principal Affaires publiques, François Bernier.
Il ajoute que les nouvelles règles de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) sont le fruit d’un travail de tous les partenaires de l’industrie, qui vise à assurer la sécurité de tous.
« Le guide dit : “Faites le plus pour la distanciation”. Le deux mètres de distance ne peut pas être une loi absolue. Il faut donner la chance au coureur », conclut-il.
Mercredi dernier, Le Journal révélait que des travailleurs de la construction demandent à la police de s’assurer du respect de la consigne d’éloignement de deux mètres sur les chantiers et que les entrepreneurs récalcitrants reçoivent des amendes salées.