« Il leur manque beaucoup de beauté »
Jordane Labrie chantait dans les CHSLD de Québec
« Il y a des gens atteints d’alzheimer qui ne reconnaissent plus leur famille, mais qui chantent les paroles de La vie en rose. C’est impressionnant. Tu sens que tu les libères de leurs souffrances pendant quarante-cinq minutes. »
À raison de trois ou quatre fois par mois, avant que la crise ne la force à prendre ses distances, Jordane Labrie se rendait dans des CHSLD de la grande région de Québec pour présenter de courts spectacles.
Armée de reprises des chansons favorites des patients et de son grand coeur, cette ancienne candidate de La Voix offrait du réconfort à ceux qui sont devenus les principales proies du coronavirus au Québec.
« Ça fait vraiment une différence dans leur vie. Après les spectacles, ils viennent vers nous, ils nous parlent, nous racontent leurs histoires. On a monté un répertoire constitué de chansons qu’ils connaissent, Jacques Brel, Édit Piaf, du Leonard Cohen avec son Hallelujah. Ce sont des mélodies auxquelles ils se rattachent et qui leur rappellent de beaux souvenirs. C’est vraiment gratifiant. »
« J’AI EU LA PIQÛRE »
C’est à l’invitation de la SAMS (Société pour les arts en milieu de santé) que Jordane a commencé, il y a deux ans, à se déplacer de CHSLD en CHSLD pour divertir les bénéficiaires.
Ce n’est pas du bénévolat. Les artistes sont rémunérés, mais ils ne font pas une fortune. « Ce sont les prix minimaux de la Guilde. On ne le fait pas pour l’argent, mais par bonne volonté. »
Au début, elle avoue qu’elle ne savait pas comment elle allait se sentir. « Mais dès les deux ou trois premières fois, j’ai eu la piqûre. »
PAS SURPRISE
Compte tenu de son engagement, la catastrophe qui frappe le réseau des CHSLD la chagrine. Mais ne la surprend pas.
Les trous dans les murs, les personnes âgées qui ne reçoivent que rarement ou jamais de visiteurs, le personnel dévoué, mais pas assez nombreux et à bout de souffle : au gré des spectacles, Jordane a découvert ce qui saute désormais aux yeux des Québécois, à savoir que tous les ingrédients étaient en place pour que le coronavirus provoque une hécatombe dans les CHSLD.
« Ces gens ont été laissés de côté avant la pandémie », se désole-t-elle.
REDONNER AVEC LA MUSIQUE
Même si elle confesse qu’il y aura « un certain stress », Jordane répondra présent dès qu’elle pourra retourner chanter pour les aînés.
« J’ai vraiment hâte parce que je sais qu’il leur manque beaucoup de beauté. En ce moment, leur moral doit être complètement à terre. (…) J’attends mon call. »
Elle insiste. Il faudra reconnecter avec ces gens, oubliés et vulnérables, une fois la crise passée. « Ils ont des choses à nous apprendre et ils ont fait en sorte qu’on puisse mener la vie qu’on a aujourd’hui. Si je peux leur redonner avec la musique, c’est la moindre des choses. »
Maintenant encore plus que jamais, ils le méritent amplement.