Des soignants sont dépassés par ce qu’ils constatent, quand ils ne sont pas eux-mêmes infectés par la maladie
Désorganisation, manque d’effectifs, patients laissés dans leurs excréments ou qui crient à l’aide : plusieurs soignants dépêchés récemment dans les CHSLD en raison de la crise du coronavirus y découvrent une réalité cauchemardesque qu’ils n’auraient jamais osé imaginer.
Liliane Fournier et Isabel Valero, deux collègues qui enseignent aux futurs préposés aux bénéficiaires et infirmières auxiliaires ont été chamboulées par leur premier quart de travail.
« On rentre là et ça sent la mort. Il n’y a presque personne. On ne se croirait pas en 2020 [en termes de conditions pour les résidents]. On s’est dit : “qu’estce qu’on fait là ? Va-t-on survivre ?” » se souvient Mme Fournier, au sujet de son passage vendredi soir dernier au Centre d’hébergement Nazaire-piché de l’arrondissement Lachine, à Montréal.
Les deux femmes et une autre collègue enseignante n’avaient pas l’habitude de ce milieu. Elles se sont tout de même retrouvées seules avec une infirmière auxiliaire pour s’occuper d’une douzaine de patients pendant la majeure partie de leur quart de travail.
« Liliane et moi, on a commencé à faire l’évaluation des plaies et on s’est rendu compte que plusieurs baignaient dans leurs culottes souillées. Donc, on a commencé à changer des culottes d’incontinence en même temps que les pansements », explique Mme Valero.
« Ça faisait longtemps. Le contenu avait commencé à sécher et coller sur la peau de résidents », poursuit Mme Fournier.
DIFFICILE DE RÉPONDRE À TOUS
« On est habituées de travailler avec un plan, mais vendredi dernier, il n’y avait pas de plan de match », se souvient Mme Fournier, qui parle d’un problème d’organisation par manque de personnel.
Les deux racontent avoir eu de la difficulté à répondre aux demandes des patients tellement elles étaient débordées. Mme Valero admet ne pas avoir pu laver les patients aussi convenablement qu’elle le souhaitait.
« Faut y être allé pour constater que c’est terrible. [...] Jamais je n’aurais cru voir des situations de la sorte », soutient-elle.
« C’est dur d’expliquer comment le système [de santé] a pu en arriver là. C’est comme si on vivait un cauchemar et qu’on avait hâte de se réveiller », image Mme Fournier.
EMPLOYÉS DÉVOUÉS
Les deux collègues s’entendent pour dire que le personnel en place est dévoué et qu’il travaille fort. Que tout le monde fait ce qu’il peut face à cet événement extraordinaire.
« Les gens étaient déjà à bout de souffle avant la COVID-19. Il va falloir revoir les ratios de nombre de patients par soignant », indique Mme Valero.
Malgré leur expérience, elles se disent prêtes à retourner au front, ensemble.
« Il faut y retourner. Les patients et nos confrères ont besoin de nous tous », conclut Mme Fournier.