La peur du déconfinement
C’était à prévoir. Si la majorité des Québécois a été si prompte et si consentante à se plier aux directives de la santé publique, c’est qu’elle a eu confiance en ses dirigeants politiques et sanitaires.
Ils se sont donc confinés. Et cette contrainte violente, ils l’ont intériorisée. Les Québécois, réputés pour leur entregent, ont changé en peu de temps (en quelques semaines à vrai dire) leur ouverture aux autres et sont devenus méfiants. « L’enfer, c’est les autres », a écrit dans Huis clos JeanPaul Sartre, ce philosophe à la vision noire de la vie. C’est un message qui a une résonance particulière en ce moment.
Le confinement, notre huis clos, a vite fait des ravages psychologiques. L’anxiété, la peur, l’irritabilité, la colère ont transformé profondément nos émotions. Le « ça va bien se passer » est davantage une illusion qu’un élan d’espoir optimiste.
STRESS
L’impossibilité dans laquelle nous sommes de faire quelque projet que ce soit dans un avenir prévisible fait que nous nous replions davantage sur nous-mêmes. Le confinement est devenu un réflexe conditionné. À tel point que l’idée de s’extirper des quatre murs de sa maison exige un effort mental. De même, les quelques activités permises comme celle de faire des courses pour se nourrir deviennent un stress.
Pas étonnant, puisque l’on croise des personnes tout aussi sinon plus anxieuses que nous. Ou alors si peu respectueuses de la distanciation physique de deux mètres que nous souhaitons rentrer en urgence chez nous.
Il ne faut donc pas se surprendre de toutes les oppositions et réticences exprimées face au déconfinement prudent qu’entreprend le gouvernement Legault, qui s’engage d’ailleurs à reporter si nécessaire l’ouverture prévue à Montréal de l’école primaire.
BALLOTTEMENT
Pouvons-nous continuer à vivre ainsi ?
Nous vivons ballottés entre notre raison et notre perception émotionnelle. Nous oscillons entre ce que nous comprenons et ce que nous ressentons. Nos réflexes sont brouillés devant l’inconnu que représente le retour éventuel vers le monde « d’avant ».
Or, ce monde n’existera plus. Nous appartenons à la génération qui doit faire le deuil du passé. Notre manière de penser, de vivre, de décrypter la réalité, de nous définir, de rêver comporte la date de péremption de 2020.
Comment réapprendre à vivre en société tout en gardant une distance de deux mètres avec l’autre ? Comment exprimer nos désirs si l’avenir n’est plus prévisible à court et à moyen terme ? Nombreux seront les citoyens à appliquer le principe de précaution que l’on attribue à Pythagore, le philosophe et mathématicien grec du VIE siècle av. J.-C. : « Dans le doute, abstiens-toi ».
Dans les circonstances actuelles, les analyses des scientifiques sont constamment mises en doute. Par des conspirationnistes, des idéologues et des clones de Trump. Mais il faut continuer à oser prendre des risques calculés sous la gouverne de personnes responsables, qui ont à coeur le bien commun et non leurs intérêts personnels et politiques. Qui sont guidées d’ailleurs par des valeurs humanistes et pragmatiques. Le déconfinement dans ces conditions représente notre seul espoir de renaître à une vie pour rêver, aimer et reconstruire. Bref, avons-nous d’autres choix ?