Le Journal de Quebec

Les millénaria­ux vivent leur première crise financière

- Daniel Germain c daniel.germain@quebecorme­dia.com

La crise de la COVID-19 nous affecte tous, de toutes sortes de manières et à divers degrés. Du point de vue de la santé, on nous rappelle chaque jour que ce sont les vieux qui sont les plus vulnérable­s. Sous l’angle financier, c’est moins évident, mais ce pourrait bien être les jeunes adultes qui sortent de cette crise les plus amochés.

Oui, les millénaria­ux, les 24-38 ans ! Ils risquent de payer longtemps. Pourquoi eux plus que les autres ?

D’UNE CRISE À L’AUTRE

C’est toujours délicat de se lancer dans ces analyses génération­nelles, on peut facilement tomber dans les généralisa­tions. On s’en excuse à l’avance.

On conviendra quand même de ceci : débarquer sur le marché du travail au début d’une sévère récession, ce n’est pas ce qu’on appelle un alignement favorable des planètes. Les jobs sont plus rares. Les salaires sont moins élevés.

Aux États-unis, des économiste­s de l’université Yale ont estimé qu’un travailleu­r démarrait avec un salaire amoindri de 10 % quand sa carrière débutait en période de chômage élevé, rapportait récemment le média financier Bloomberg ( Millennial­s are getting crushed by back-to-back economic crises). Les effets de ce mauvais départ persistera­ient une dizaine d’années.

À cet égard, les Y sont particuliè­rement malchanceu­x. Les plus vieux d’entre eux, ceux qui ont aujourd’hui autour de 35 ans, ont intégré le marché de l’emploi alors qu’on entrait dans ce qu’on appelle la Grande Récession. De notre point de vue actuel, la crise financière de 2008-2009 ne nous apparaît pas si pire, mais il y a une raison pour laquelle on l’a baptisée ainsi : c’était gros et ça a fait mal.

LA RÉALITÉ A CHANGÉ

C’est vrai que la situation économique s’est embellie par la suite, tellement que pour un rare épisode dans l’histoire, on s’est retrouvé récemment en situation de plein emploi. Le contexte a été favorable aux jeunes.

Ils ont été très convoités par les employeurs, ce qui a inspiré une abondante littératur­e (et une industrie du coaching) sur la façon de gérer cette main-d’oeuvre étiquetée d’« exigeante » et de « capricieus­e ».

Non, les jeunes ne sont pas tous programmeu­rs, concepteur­s de jeux vidéo ou influenceu­rs. On oublie que les effectifs des bars, des restaurant­s et des entreprise­s touristiqu­es sont encore largement composés de millénaria­ux, maintenant au chômage.

GÉNÉRATION FINANCIÈRE­MENT FRAGILE

Au moment où on pénètre dans l’inconnu, les Y sont ceux qui reposent sur les assises financière­s les plus fragiles.

La queue de cette génération intègre à son tour le marché du travail, dans une ambiance de mort, où plusieurs seront condamnés à vivoter pendant un temps.

La tête de la cohorte, les trentenair­es, est constituée de jeunes parents. S’ils ont la chance d’être propriétai­res d’une maison, c’est au prix souvent d’un endettemen­t massif. Ça a beau être de la « bonne dette », c’est lourd à porter quand un des salaires du ménage est menacé.

De la façon dont les choses se profilent, ce n’est pas bientôt qu’ils pourront se vanter, comme leurs aînés de la génération X, d’avoir vu doubler leur investisse­ment immobilier. Si la valeur des maisons ne baisse pas dans un proche avenir, elle va certaineme­nt stagner. Ce n’est pas là qu’ils vont s’enrichir.

UNE GÉNÉRATION DE « PRUDENTS »

Ce ne sera pas non plus à la Bourse, il faut croire, car cette pandémie pourrait faire des Y des investisse­urs très prudents, trop prudents. Déjà qu’ils n’étaient pas portés sur la chose, échaudés par la crise d’il y a dix ans. Cette nouvelle tuile pourrait bien implanter chez eux une aversion aiguë et permanente au risque.

Les millénaria­ux américains, selon une statistiqu­e tirée du New York Times ( Young adults, Burdened With Debt, are now facing an economic crisis), détiendrai­ent aujourd’hui seulement le tiers des actifs boursiers qu’avaient les X au même âge. Raison : peur du risque.

Plus près de chez nous, une étude de la Commission des valeurs immobilièr­es de l’ontario indique la même chose. Les jeunes Ontariens épargnent, mais n’investisse­nt pas beaucoup, et ce, malgré les technologi­es qui facilitent l’achat de titres boursiers et la constructi­on de portefeuil­les de placement. Ils ont raté l’une des périodes les plus profitable­s de l’histoire de la bourse [2010-2020]. Ils vont probableme­nt manquer la prochaine occasion.

Ah oui, et la dette pharaoniqu­e que nos gouverneme­nts creusent en ce moment, bien les jeunes vont devoir la payer longtemps.

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