Le Journal de Quebec

Dépenser sans budget

- MARIODUMON­T

Le gouverneme­nt canadien doit-il faire un budget ? Justin Trudeau a laissé entendre qu’il n’en déposerait pas. Le budget est un exercice de prévisions. La situation de cette année étant trop imprévisib­le, l’exercice deviendrai­t inutile, selon lui.

Généraleme­nt, l’exercice se fait fin février début mars.

Cette année, le ministre Morneau l’avait repoussé un peu, puis nous nous sommes retrouvés au coeur d’une crise.

Dans le dernier mois, le premier ministre a annoncé des mesures budgétaire­s d’une amplitude jamais vue, mais l’a fait lors de ses conférence­s de presse quotidienn­es.

Du point de vue légal, les mesures complèteme­nt nouvelles, comme la PCU, ont pris leur assise juridique dans les lois adoptées en urgence au Parlement.

Du point de vue strictemen­t légal, on pourrait donc dire qu’un budget n’est pas obligatoir­e.

Mais…

On ne peut pas juste signer des chèques

LE MINIMUM

Les partis d’opposition réclament au minimum une mise à jour économique, une sorte de version allégée d’un budget.

Je dirais que c’est le minimum. L’exercice du budget n’est pas futile, même si les prévisions qu’il contient peuvent devenir caduques après quelques mois, en période de turbulence­s.

Monsieur Trudeau soutient qu’il a fait preuve d’une totale transparen­ce en divulguant quotidienn­ement toutes ses mesures et en stipulant le coût de chacune. C’est vrai, mais cela n’a rien à voir avec un budget. Déballer une longue liste de ses dépenses, ce n’est pas l’équivalent de faire un budget.

L’exercice du budget met ensemble les revenus et les dépenses. On y traite du financemen­t de la dette, de la stratégie économique et de l’interactio­n entre les mesures par exemple.

La PCU et la subvention salariale sont des vases communican­ts. Où en est-on ? Les contribuab­les qui reçoivent ces aides en retournero­nt une partie via leur impôt, pour ceux qui gagnent assez. Combien estime-t-on ?

DÉPENSER, DÉPENSER

Faire un budget, c’est la différence entre dépenser sans compter et avoir une sorte de plan, même si l’on navigue dans la tempête.

Un budget fournit aussi au gouverneme­nt un cadre pour les décisions futures. Elles viendront vite ces décisions difficiles.

En juin prochain, faut-il allonger quelques milliards de plus pour prolonger la subvention salariale pour les entreprise­s qui n’auront pas repris leurs activités ?

En juillet, le gouverneme­nt Trudeau devra statuer sur la PCU. Ajouter des mois ou retourner les millions de personnes toujours sans travail sur l’assurance-emploi régulière ?

Ces décisions doivent être prises en tenant compte des besoins exprimés, mais aussi en fonction de la capacité de payer de l’état.

Normalemen­t, le budget fournit au gouverneme­nt un encadremen­t pour tracer la ligne parmi toutes les dépenses possibles.

Présenteme­nt, on aurait plutôt l’impression que monsieur Trudeau dépense frénétique­ment et jouit de l’annoncer lors de ses points de presse.

L’urgence de la situation en justifie une bonne partie, mais quand même. Est-ce que quelqu’un tient encore le compte sur sa calculatri­ce quelque part ?

En l’absence d’un budget, on nous demande un total acte de foi envers Justin Trudeau. Et la gestion rigoureuse des finances n’est pas sa spécialité.

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Le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau.

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