Le Journal de Quebec

Cri du coeur en faveur des ados

De nombreux intervenan­ts plaident pour un retour physique des élèves en classe le plus tôt possible

- STÉPHANIE MARTIN, JÉRÉMY BERNIER, DAPHNÉE DION-VIENS ET PATRICK BELLEROSE

La simple évocation d’une rentrée virtuelle pour les élèves du secondaire en septembre a provoqué une levée de boucliers chez plusieurs intervenan­ts qui lancent un cri du coeur en faveur des ados.

« Ils étaient très déçus de ne pas retourner à l’école. D’annoncer qu’on va avoir peut-être une rentrée virtuelle, ça démobilise totalement les ados, qui sont déjà démobilisé­s à cause du confinemen­t. C’est très triste. Ils deviennent de plus en plus anxieux et dépressifs. Pour nous, c’est une catastroph­e », a réagi hier le pédiatre réputé Gilles Julien, qui a consacré sa vie aux enfants et aux ados.

RENTRÉE VIRTUELLE ÉVOQUÉE

Le bal a été lancé avec la déclaratio­n du ministre de l’éducation, Jean-françois Roberge, qui a évoqué mercredi la possibilit­é d’une rentrée à distance pour les élèves du secondaire au Québec.

Le lendemain, le ministre a réajusté le tir en précisant qu’il s’agissait d’un scénario « parmi plusieurs autres ». Le premier ministre, François Legault, en a rajouté, affirmant qu’il allait « tout faire » pour permettre une présence en classe.

« Évidemment, il va falloir respecter certaines normes. Entre autres, respecter le deux mètres, voir qui doit porter des masques, etc., dit-il. Mais moi, je souhaite que ça se fasse en personne. »

Mais les déclaratio­ns précédente­s avaient eu le temps de soulever l’ire parmi les intervenan­ts qui sont impliqués dans la vie des adolescent­s, dont plusieurs se sentent déjà laissés pour compte avec le retour du primaire.

GRAVES CONSÉQUENC­ES

« Les conséquenc­es de ce qu’on est en train de faire avec nos ados, elles sont extrêmemen­t dangereuse­s, a averti le Dr Julien. Tous les médecins qui voient des ados sont un peu scandalisé­s, mais en même temps extrêmemen­t inquiets. Quand ils vont commencer à déconfiner, quel genre d’ados on va avoir ? Quel impact sur le décrochage ? Quel impact sur la santé mentale ? Ils sont déjà là. Si on ne leur donne pas une bouffée d’air frais, ça ne marchera pas. »

Le Dr Olivier Jamoulle, pédiatre de l’adolescenc­e au CHU Sainte-justine, estime que pour la grande majorité d’entre eux, être à l’école c’est mieux qu’être à la maison. « On est de plus en plus perplexes [les pédiatres] parce qu’on reçoit de plus en plus d’appels d’adolescent­s en détresse, qui vont moins bien depuis les deux ou trois dernières semaines. Au début, c’était un peu l’arc-en-ciel, mais maintenant, l’arcen-ciel, il n’y en a plus vraiment. »

DÉCROCHAGE

Le professeur retraité de l’université Laval, Égide Royer, s’inquiète pour le décrochage. « On est dans un système où l’école est obligatoir­e jusqu’à 16 ans.

Alors, imaginez le gars de 15 ans, qui est déjà cette année en échec en français ou en anglais ou en mathématiq­ues. Il n’y a rien eu de structuré dans le réseau public, il n’a rien reçu de son école, et là, il entend dire que peut-être les écoles ne rouvriront pas. Vous augmentez vos risques de décrochage », explique-t-il en entrevue à Mario Dumont.

L’expert évalue que le taux de décrocheur­s pourrait augmenter de 5 à 10 points de pourcentag­e en raison de la crise actuelle, et parce qu’il n’y a plus de présence en classe.

Un aspect qui inquiète aussi la Coalition des parents d’enfants à besoins particulie­rs. On réclame même l’ouverture « d’écoles secondaire­s d’urgence » pour les élèves à risque d’échec et de décrochage scolaire dans toutes les régions du Québec. « La priorité, ça devrait être l’avenir des élèves les plus vulnérable­s », affirme sa présidente, Bianca Nugent.

PARENTS « UN PEU CATASTROPH­ÉS »

À la Fédération des comités de parents du Québec, on confirmait hier avoir reçu plusieurs appels de parents « un peu catastroph­és » par les déclaratio­ns de M. Roberge. « Certains parents voient difficilem­ent comment ça pourrait se poursuivre dans les mêmes conditions cet automne », affirme son président, Kévin Roy.

« Ça risque d’être pire pratiqueme­nt que le virus. Autant on a négligé nos personnes âgées, autant maintenant on néglige nos ados. On est très, très inquiets », exprime le Dr Julien.

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PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY De passage à Montréal hier, le premier ministre François Legault a indiqué qu’il allait « tout faire » pour permettre aux élèves du secondaire d’être présents en classe pour la rentrée à l’automne.

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