Cri du coeur en faveur des ados
De nombreux intervenants plaident pour un retour physique des élèves en classe le plus tôt possible
La simple évocation d’une rentrée virtuelle pour les élèves du secondaire en septembre a provoqué une levée de boucliers chez plusieurs intervenants qui lancent un cri du coeur en faveur des ados.
« Ils étaient très déçus de ne pas retourner à l’école. D’annoncer qu’on va avoir peut-être une rentrée virtuelle, ça démobilise totalement les ados, qui sont déjà démobilisés à cause du confinement. C’est très triste. Ils deviennent de plus en plus anxieux et dépressifs. Pour nous, c’est une catastrophe », a réagi hier le pédiatre réputé Gilles Julien, qui a consacré sa vie aux enfants et aux ados.
RENTRÉE VIRTUELLE ÉVOQUÉE
Le bal a été lancé avec la déclaration du ministre de l’éducation, Jean-françois Roberge, qui a évoqué mercredi la possibilité d’une rentrée à distance pour les élèves du secondaire au Québec.
Le lendemain, le ministre a réajusté le tir en précisant qu’il s’agissait d’un scénario « parmi plusieurs autres ». Le premier ministre, François Legault, en a rajouté, affirmant qu’il allait « tout faire » pour permettre une présence en classe.
« Évidemment, il va falloir respecter certaines normes. Entre autres, respecter le deux mètres, voir qui doit porter des masques, etc., dit-il. Mais moi, je souhaite que ça se fasse en personne. »
Mais les déclarations précédentes avaient eu le temps de soulever l’ire parmi les intervenants qui sont impliqués dans la vie des adolescents, dont plusieurs se sentent déjà laissés pour compte avec le retour du primaire.
GRAVES CONSÉQUENCES
« Les conséquences de ce qu’on est en train de faire avec nos ados, elles sont extrêmement dangereuses, a averti le Dr Julien. Tous les médecins qui voient des ados sont un peu scandalisés, mais en même temps extrêmement inquiets. Quand ils vont commencer à déconfiner, quel genre d’ados on va avoir ? Quel impact sur le décrochage ? Quel impact sur la santé mentale ? Ils sont déjà là. Si on ne leur donne pas une bouffée d’air frais, ça ne marchera pas. »
Le Dr Olivier Jamoulle, pédiatre de l’adolescence au CHU Sainte-justine, estime que pour la grande majorité d’entre eux, être à l’école c’est mieux qu’être à la maison. « On est de plus en plus perplexes [les pédiatres] parce qu’on reçoit de plus en plus d’appels d’adolescents en détresse, qui vont moins bien depuis les deux ou trois dernières semaines. Au début, c’était un peu l’arc-en-ciel, mais maintenant, l’arcen-ciel, il n’y en a plus vraiment. »
DÉCROCHAGE
Le professeur retraité de l’université Laval, Égide Royer, s’inquiète pour le décrochage. « On est dans un système où l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans.
Alors, imaginez le gars de 15 ans, qui est déjà cette année en échec en français ou en anglais ou en mathématiques. Il n’y a rien eu de structuré dans le réseau public, il n’a rien reçu de son école, et là, il entend dire que peut-être les écoles ne rouvriront pas. Vous augmentez vos risques de décrochage », explique-t-il en entrevue à Mario Dumont.
L’expert évalue que le taux de décrocheurs pourrait augmenter de 5 à 10 points de pourcentage en raison de la crise actuelle, et parce qu’il n’y a plus de présence en classe.
Un aspect qui inquiète aussi la Coalition des parents d’enfants à besoins particuliers. On réclame même l’ouverture « d’écoles secondaires d’urgence » pour les élèves à risque d’échec et de décrochage scolaire dans toutes les régions du Québec. « La priorité, ça devrait être l’avenir des élèves les plus vulnérables », affirme sa présidente, Bianca Nugent.
PARENTS « UN PEU CATASTROPHÉS »
À la Fédération des comités de parents du Québec, on confirmait hier avoir reçu plusieurs appels de parents « un peu catastrophés » par les déclarations de M. Roberge. « Certains parents voient difficilement comment ça pourrait se poursuivre dans les mêmes conditions cet automne », affirme son président, Kévin Roy.
« Ça risque d’être pire pratiquement que le virus. Autant on a négligé nos personnes âgées, autant maintenant on néglige nos ados. On est très, très inquiets », exprime le Dr Julien.