Le Journal de Quebec

Aînés enfermés 24 heures sur 24

Des résidents de CHSLD ne peuvent sortir de leur chambre en raison de la pandémie de la COVID-19

- HUGO DUCHAINE - Avec Dominique Lelièvre

Quatre murs et une fenêtre. Voilà ce que Robert Tremblay regarde depuis maintenant 72 jours, confiné dans sa chambre d’un CHSLD de Montréal.

Pas de visiteur, pas de livraison d’un restaurant et un seul bain depuis le début du confinemen­t. De petits plaisirs et des soins auxquels il a dû faire ses adieux à cause de la pandémie.

Mais il a tellement hâte de les retrouver, que le sexagénair­e, habituelle­ment calme et posé, en vient même à sacrer.

« Au plus criss », lance-t-il à propos du déconfinem­ent au centre d’hébergemen­t Notre-damede-la-merci, où il vit.

L’homme de 60 ans se trouve dans la même situation que de nombreux résidents de CHSLD, confinés à leur chambre 24 heures par jour pour une période encore indétermin­ée. « Une chance que j’ai un ordinateur, la télévision et le téléphone, car je serais devenu fou », poursuit M. Tremblay, qui est paralysé du torse aux orteils.

Il jase avec son épouse par appel vidéo plusieurs fois par jour. Elle cherche à lui remonter le moral. « D’habitude, je suis très positif », reconnaît-il.

Mais les 72 derniers jours pèsent très lourd sur son moral. « Je ne sais pas qui est décédé, mais je sais que j’ai perdu plus de 50 voisins », dit-il.

55 MORTS

Selon le dernier bilan, Notre-dame-de-la-merci déplorait 55 décès. La COVID-19 est toujours présente entre ses murs, alors que le quart des résidents sont toujours infectés. Pour sa part, Robert Tremblay a reçu deux tests négatifs. Il salue les précaution­s des nombreux employés à aller et venir dans sa chambre pour ses soins.

Mais sa qualité de vie a radicaleme­nt changé. Celui qui avait milité pour obtenir deux bains par semaine n’est maintenant lavé qu’à la débarbouil­lette tous les jours. Surtout parce qu’il est capable de le réclamer, ajoute-t-il.

Le personnel l’installe sur son fauteuil roulant électrique deux après-midi par semaine. Sinon, il reste dans son lit.

M. Tremblay redoute aussi la chaleur qui commence à s’installer sur la métropole. Sa pièce n’a pas l’air conditionn­é. « En ce moment, je suis presque tout nu [...]. Je n’ai pas le choix, c’est trop chaud sinon, souligne-t-il. Le pire, c’est qu’on paie un loyer pour rester ici ».

ENFIN, LA LIBERTÉ

À l’inverse, le déconfinem­ent dont ont pu profiter les aînés en résidence leur a fait le plus grand bien.

Claire Côté, qui habite les Résidences de Longpré, à Beauport, raconte, en souriant, qu’elle était « comme un petit veau qui sort de l’étable, pareille, pareille » quand elle a eu l’autorisati­on de conduire de nouveau son véhicule. Femme active, elle n’en pouvait plus d’être confinée à son appartemen­t. On lui permet maintenant de faire des marches sans supervisio­n. « C’est incroyable comment la liberté, c’est important » dit-elle.

De son côté, Louise Généreux, qui habite la Résidence Breakyvill­e à Lévis, est « venue les larmes aux yeux » quand on lui a permis, il y a quelques jours, de revoir sa fille. Le confinemen­t commençait à peser lourdement sur le moral de la femme de 76 ans.

 ?? PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY, ET D’ARCHIVES, BEN PELOSSE ?? Maude Lépine, une avocate qui s’est portée volontaire pour aller aider en CHSLD durant la pandémie de la COVID-19, dénonce que des résidents, comme Robert Tremblay (en mortaise), soient prisonnier­s de leur « toute petite chambre ».
PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY, ET D’ARCHIVES, BEN PELOSSE Maude Lépine, une avocate qui s’est portée volontaire pour aller aider en CHSLD durant la pandémie de la COVID-19, dénonce que des résidents, comme Robert Tremblay (en mortaise), soient prisonnier­s de leur « toute petite chambre ».

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