La revanche de l’état
La semaine dernière, un haut fonctionnaire français, Claude Lion, a signé un texte très intéressant sur la crise actuelle dans Le Figaro.
La pandémie, a-t-il écrit, a tué ce qu’il restait de Mai 68.
Terminée, la révolte de l’individu contre l’état.
Grâce à la COVID-19, l’état a pris sa revanche et est plus dilaté, plus gros, plus puissant et plus présent que jamais.
UN ÉTAT DILATÉ AU MAX
« Après avoir interdit d’interdire, appelé à jouir sans entrave, déconstruit les savoirs et ruiné les institutions, la génération de Mai 68 [qui est maintenant septuagénaire] se retrouve confinée, privée de la liberté d’aller et de venir, et soumise à des injonctions multiples de ne pas faire, affirme ce haut fonctionnaire.
« Après avoir subverti l’état et l’autorité avec constance, cette génération dépend aujourd’hui du ministère de l’intérieur pour sa sécurité individuelle et collective. La peur du virus aidant, les mesures de contraintes et les interdits divers ont été et demeurent collectivement acceptés. »
La France a eu « l’esprit de Mai 68 ».
Au Québec et au Canada, nous avons eu « l’esprit de la Charte des droits ».
Que disait la Charte de Trudeau père ? Que l’individu était l’alpha et l’oméga de la société canadienne, que le rôle premier de l’état était de protéger les libertés de ses citoyens.
Liberté d’aller et venir à leur guise, et de voir qui ils voulaient, où et quand ils le voulaient.
Il n’aura fallu que trois mois pour que la Charte (qui avait pourtant été élevée au rang de texte sacré, au même titre que la
Constitution américaine) tombe de son piédestal.
Aujourd’hui, c’est l’état qui nous dit qui voir, où et quand.
« Voir votre vieille mère ? Non. Inviter des gens dans votre salon ? Non. Rencontrer vos copains à la plage ? Non. »
L’individu, qui autrefois régnait en roi et maître, attend maintenant sagement les consignes de l’état pour savoir quels commerces il peut fréquenter, à quelle heure, et comment.
Des gens ont reçu des amendes pour avoir salué leurs amis de leur balcon !
NURSE RATCHED
L’état paie les citoyens, sauve les entreprises, punit ceux qui ne suivent pas ses directives à la lettre, nous parle tous les jours à la même heure, nous encourage à cuisiner des tartelettes…
Et si la crise persiste, on parle d’implanter un logiciel dans nos téléphones cellulaires pour épier nos allées et venues…
Je ne suis pas un complotiste paranoïaque ni un Américain crinqué qui est prêt à brandir une mitraillette pour sauver ses sacro-saintes libertés, mais avouez que c’est quand même beaucoup.
Je comprends que nous traversons une crise inédite et que l’état a besoin de ces mesures « temporaires » pour juguler la pandémie, mais…
Une fois cette crise terminée, l’état acceptera-t-il d’abandonner ses nouveaux pouvoirs et de retrouver son ancienne place ?
Retrouvera-t-il sa taille d’antan ?
Rien de plus inquiétant qu’un individu ou un organisme qui dit agir pour notre bien et qui affirme avoir la science de son bord…
On dirait nurse Ratched, l’infirmière en chef dans Vol au-dessus d’un nid de coucou…
La crise actuelle me fait penser à un autre film...