Le Journal de Quebec

La revanche de l’état

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

La semaine dernière, un haut fonctionna­ire français, Claude Lion, a signé un texte très intéressan­t sur la crise actuelle dans Le Figaro.

La pandémie, a-t-il écrit, a tué ce qu’il restait de Mai 68.

Terminée, la révolte de l’individu contre l’état.

Grâce à la COVID-19, l’état a pris sa revanche et est plus dilaté, plus gros, plus puissant et plus présent que jamais.

UN ÉTAT DILATÉ AU MAX

« Après avoir interdit d’interdire, appelé à jouir sans entrave, déconstrui­t les savoirs et ruiné les institutio­ns, la génération de Mai 68 [qui est maintenant septuagéna­ire] se retrouve confinée, privée de la liberté d’aller et de venir, et soumise à des injonction­s multiples de ne pas faire, affirme ce haut fonctionna­ire.

« Après avoir subverti l’état et l’autorité avec constance, cette génération dépend aujourd’hui du ministère de l’intérieur pour sa sécurité individuel­le et collective. La peur du virus aidant, les mesures de contrainte­s et les interdits divers ont été et demeurent collective­ment acceptés. »

La France a eu « l’esprit de Mai 68 ».

Au Québec et au Canada, nous avons eu « l’esprit de la Charte des droits ».

Que disait la Charte de Trudeau père ? Que l’individu était l’alpha et l’oméga de la société canadienne, que le rôle premier de l’état était de protéger les libertés de ses citoyens.

Liberté d’aller et venir à leur guise, et de voir qui ils voulaient, où et quand ils le voulaient.

Il n’aura fallu que trois mois pour que la Charte (qui avait pourtant été élevée au rang de texte sacré, au même titre que la

Constituti­on américaine) tombe de son piédestal.

Aujourd’hui, c’est l’état qui nous dit qui voir, où et quand.

« Voir votre vieille mère ? Non. Inviter des gens dans votre salon ? Non. Rencontrer vos copains à la plage ? Non. »

L’individu, qui autrefois régnait en roi et maître, attend maintenant sagement les consignes de l’état pour savoir quels commerces il peut fréquenter, à quelle heure, et comment.

Des gens ont reçu des amendes pour avoir salué leurs amis de leur balcon !

NURSE RATCHED

L’état paie les citoyens, sauve les entreprise­s, punit ceux qui ne suivent pas ses directives à la lettre, nous parle tous les jours à la même heure, nous encourage à cuisiner des tartelette­s…

Et si la crise persiste, on parle d’implanter un logiciel dans nos téléphones cellulaire­s pour épier nos allées et venues…

Je ne suis pas un complotist­e paranoïaqu­e ni un Américain crinqué qui est prêt à brandir une mitraillet­te pour sauver ses sacro-saintes libertés, mais avouez que c’est quand même beaucoup.

Je comprends que nous traversons une crise inédite et que l’état a besoin de ces mesures « temporaire­s » pour juguler la pandémie, mais…

Une fois cette crise terminée, l’état acceptera-t-il d’abandonner ses nouveaux pouvoirs et de retrouver son ancienne place ?

Retrouvera-t-il sa taille d’antan ?

Rien de plus inquiétant qu’un individu ou un organisme qui dit agir pour notre bien et qui affirme avoir la science de son bord…

On dirait nurse Ratched, l’infirmière en chef dans Vol au-dessus d’un nid de coucou…

La crise actuelle me fait penser à un autre film...

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