Une famille longtemps en deuil
Les employés en coulisses ont souffert du départ des Nordiques il y a 25 ans
Depuis que les Nordiques ont quitté Québec, joueurs, entraîneurs et dirigeants ont maintes fois exprimé publiquement leur grand désarroi. Derrière l’équipe qui a fait vibrer la ville sur la glace, se cachait une autre équipe formée d’employés dévoués corps et âme à la cause. Vingt-cinq ans après la désolante journée du 25 mai 1995, les plaies sont pansées, mais la famille pleure toujours le quotidien enivrant qui lui a été arraché.
Contrairement aux joueurs et entraîneurs qui ont vécu le défi de poursuivre l’épopée dans l’avion vers Denver, la vaste majorité du groupe est demeuré sur le tarmac, en maudissant le décollage.
« J’ai pensé jusqu’à la dernière minute que Marcel Aubut sortirait un lapin de son chapeau et que les Nordiques resteraient », souffle Nicole Bouchard aujourd’hui.
Affectée à l’équipe des communications, son monde s’écroulait.
« Je suis arrivée avec l’équipe à l’automne 1980 et je ne suis jamais repartie. Pour moi, le déménagement de l’équipe, c’était la fin du monde. Ça m’a pris au-dessus d’un an pour faire mon deuil et quand l’équipe a gagné la coupe Stanley le printemps suivant au Colorado, j’en ai braillé un autre grand coup », ajoute celle qui besogne aujourd’hui pour les Remparts.
ASPECT FAMILIAL
Si Québec représentait le plus petit marché de la LNH, les Nordiques étaient aussi une petite organisation, qui refusait de laisser toute la place aux géants.
« On tenait ça à bout de bras avec 30 employés. Aujourd’hui ils sont 180 employés dans une équipe », constate en riant le physiothérapeute Jacques Lavergne, qui a occupé ses fonctions avec l’équipe de 1982 à 1995.
Et comme dans toute bonne famille, autant les moments de bien-être que les moments de désespoir se sont entrechoqués.
« Tout le monde aidait tout le monde. Les Nordiques, c’était une entreprise sportive à caractère familial. Marcel (Aubut), des fois on le détestait parce qu’il était tellement exigeant, mais on l’aimait autant parce qu’il aurait tout fait pour ses employés. C’était du donnant-donnant. Comme grand boss, il n’avait pas de limites, autant pour nous taper sur les doigts que pour nous récompenser », enchaîne-t-il.
TRAVAILLEURS ACHARNÉS
Raymond Boulianne, connu comme étant l’homme à tout faire chez les Nordiques, est arrivé tout juste avant Nicole Bouchard dans l’organisation.
« Ce n’était pas toujours facile de travailler pour les Nordiques. Des semaines de 80 ou 100 heures, j’en ai vu en masse. C’était intense, il arrivait toujours quelque chose avec cette équipe », s’esclaffe-t-il.
« J’étais avec Marcel Aubut au Concorde le 25 mai 1995. Avant l’annonce, il m’a mis la main sur l’épaule et il avait la larme à l’oeil. Je me souviendrai toujours qu’il m’a dit : je ne le crois pas encore… », réfléchit celui qui a terminé sa carrière pour la Ville de Québec, à Expocité.
IDENTIFIÉS AUX NORDIQUES
Après le 25 mai 1995, les joueurs ont poursuivi leur rêve de la LNH. Plusieurs ont même savouré la conquête du SaintGraal au Colorado. Pendant ce temps, de nombreux Nordiques dans l’âme ont mené une autre quête bien personnelle à Québec. Celle de se retrouver en tant qu’individus, loin de leur équipe chérie. Ce fut le cas pour plusieurs, dont l’organiste Marcel Lajeunesse, qui a battu la mesure dans le Colisée, de 1983 à 1995.
« Dans l’esprit de bien des gens, Marcel Lajeunesse, ce n’était rien. Mais l’organiste des Nordiques, ça c’était vraiment quelqu’un ! Tu ne peux pas revivre une euphorie similaire aux Nordiques et à la LNH après », résume celui qui avait même été sacré meilleur organiste de la LNH par le Hockey News, en 1987.
Les Nordiques, c’était aussi tout ce petit monde animé d’une grande flamme.