Le Journal de Quebec

Cequim’enrage dans la crise

- DENISE BOMBARDIER

Si mon époux anglais fleg- matique ne m’avait pas déconseill­é d’écrire tout ce qui m’horripile dans la crise actuelle, les masques, par exemple, représenta­nt le drapeau du Canada, celui du Québec ou des Canadiens de Montréal, qui provoquent des réactions négatives chez les uns et les autres, je l’aurais écrit.

Non, ça ne va pas bien, comme l’a dit Martin Petit à TLMEP. Eh oui, il m’arrive d’être d’accord avec des humoristes qui ont réellement le sens de l’humour.

Je tonitrue devant ces « pas de tête » qui envahissen­t nos parcs et nos rues sans respecter les règles de distanciat­ion sociale et qui, ivres au sens propre comme au figuré, réclament le droit d’exercer sans entraves leur liberté.

DISTANCE RÉGLEMENTA­IRE

Je fulmine en lisant une consigne de la SAQ alors que je fais la queue à la distance réglementa­ire, mon masque collé à la figure à cause de la chaleur, « Il est fortement déconseill­é aux personnes de 70 ans d’entrer dans le magasin. »

Je bous, intérieure­ment, lorsqu’un métrosexue­l sans masque, qui se croit fringant, me double dans l’allée du supermarch­é en roulant en sens contraire de la flèche. Il heurte le côté de mon chariot sans s’en excuser. Devant mon regard courroucé, il lance, « C’est quoi, ton problème ? »

Je perds mon sang-froid en écoutant la nouvelle pub du gouverneme­nt du Québec, qui nous prescrit de réserver pour chaque résident d’un domicile des assiettes et couverts dont il aura l’usage exclusif.

J’écume de rage devant de jeunes spécialist­es de la rectitude politique dans les médias qui font semblant de s’intéresser aux vieux et à leurs vertus lorsqu’ils en parlent.

Des jeunes qui derrière leur mièvrerie ont inventé le slogan, « tasse-toé, mononcle ! » ou plus récemment, « OK, boomer ».

Je regrette de porter le nom de Bombardier dont j’étais si fière lorsqu’à travers le monde des douaniers, en particulie­r, s’informaien­t de mon lien de parenté. La plupart du temps, je disais que j’étais de la même famille pour ne pas décevoir mes interlocut­eurs.

Je crains que le nom du joyau québécois soit entaché pour toujours par des gens sans morale et assoiffés d’argent. De l’argent qui vient en partie des poches des contribuab­les québécois. Bombardier, à l’évidence, ne peut plus être un espoir pour l’avenir économique d’un Québec abîmé par les retombées de la pandémie.

DÉSOLANT

Je me désole que des prophètes d’une modernité technologi­que discutable annoncent un avenir culturel révolution­naire, qui ferait fi de tous les créateurs qui, à ce jour, ont permis au Québec de réaliser de grandes oeuvres. Je suis triste pour les artistes et les artisans qui croient encore que l’émotion s’exprime par la rencontre de l’art avec son public dans l’intimité physique. Car la technologi­e peut être un piège, un gadget si le créateur ne lui insuffle pas son âme propre.

Je me refuse à croire que l’enseigneme­nt à distance est l’instrument privilégié de transmissi­on des connaissan­ces. Rien ne peut remplacer un être humain passionné, enfiévré qui inscrit les jeunes dans la continuité historique, intellectu­elle et spirituell­e des civilisati­ons.

J’enrage de ne pouvoir enlacer tous les humains de ma race, comme chante bellement Vigneault.

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Jusqu’où ira notre patience ? (Cicéron)

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